
» La pomme de terre, le légume de la cabane et du château » Marquis Louis de CUSSY gastronome réputé
» La truffe de terre » c’est le nom que lui avaient donné nos arrière-arrière-arrière grands-parents. Il ne s’agissait pas d’un aliment de luxe recherché avec avidité, au contraire ! Cette truffe de terre n’était autre que notre pomme de terre. Un aliment que nous aïeux ont refusé de manger pendant près de 200 ans.
La pomme de terre venait d’Amérique du Sud au début du XVIe siècle. Vous imaginez une poignée de conquistadors espagnols arpentant les hauts plateaux de la Cordillère des Andes dans le Pérou actuel. Il y découvrent un petit tubercule que les Incas et leurs ancêtres cultivaient depuis très, très longtemps (près de 10.000 ans) et qu’ils surnommaient papa.
Vers 1560 les papas sont ramenées en Espagne dans les cales des caravelles. Leur culture se développe d’abord en Espagne, puis en Italie, puis dans le nord de l’Europe : Angleterre, Irlande, Allemagne, Belgique, Suisse. Dans tous ces pays au début du XVIIe siècle, on mange des pommes de terre. Elles se cultivaient facilement partout, offraient un bon rendement et étaient très nourrissantes.
En France personne ne voulait prendre le risque de manger cette truffe ou cette cartoufle comme on la nomme également. On l’accuse même de donner la peste et la lèpre. Pourquoi tant de méfiance ? Le tubercule n’est pas très beau : petit, noirâtre, cabossé, avec une peau coriace et un goût amer. Ce qui inquiète aussi, c’est qu’il ne ressemble à aucun aliment connu . Et puis la pomme de terre se développe sous la terre, dans cet inframonde que l’on associait , à l’époque, au diable et à l’enfer.
En plus, les botaniste faisaient valoir que les tubercules faisaient partie de la famille des solanacées, une famille dans laquelle figuraient les herbes à sorcière : mandragore, jusquiame, belladone etc…
Les choses changeront grâce à un pharmacien militaire, né en 1727dans le département de la somme, un certain Antoine Augustin Parmentier. Lors de la Guerre de sept ans, il fut fait prisonnier par les Prussiens. Chaque jour, ses géôliers lui apportaient sa ration de pommes de terre et rien d’autre. Parmentier constata que cette nourriture ne rendait pas malade et ne lui enlevait pas, non plus, ses forces. Une fois libéré, il n’eut plus qu’une seule idée en tête : convaincre ses compatriotes du bienfait du tubercule.

En 1771, Parmentier remporte un concours organisé par l’Académie des sciences de Besançon. Le sujet porté sur les végétaux alternatifs que l’on pouvait consommer en période de disette. Notre apothicaire montre, avec brio, l’innocuité et les atouts de la pommes de terre. Malheureusement, cela ne suffira pas à faire changer les préjugés tenaces de la population.
Il va alors organiser une stratégie de communication géniale : d’abord organiser des dîners auxquels il convie des leaders d’opinion : des savants, des encyclopédistes, des philosophes, des politiques. Et, lors de ces repas, on ne servait que des plats et des alcools à base de pommes de terre. Les invités appréciaient et faisaient, à leur tour, la promotion du tubercule.
Parmentier demandera au roi Louis XVI de mettre à sa disposition un terrain militaire aux portes de Paris. Il y fera la culture des pommes de terre. Ces champs étaient gardés par des soldats en armes. Ce qui intriguait fortement les paysans voisins. Quelle était donc cette culture si précieuse qu’elle nécessitait une telle surveillance ? Parmentier demandera aux soldats de fermer toutefois les yeux et laisser passer les » voleurs » . Ces » voleurs » mangeaient le tubercule dérobé, constataient l’intérêt de leur butin et le faisaient savoir.
La veille du 24 août 1784, Parmentier se précipita à Versailles chez le roi, avec un bouquet de fleurs de pommes de terre. Il suggéra à Louis XVI d’arborer une des fleurs à la boutonnière de son habit. Marie-Antoinette, de son côté, en disposa quelques-unes sur sa perruque. Parmentier avait trouvé là une des meilleurs façons publicitaires pour faire la promotion de sa pomme de terre.
Aujourd’hui la pomme de terre est devenue le troisième aliment le plus consommé dans le monde après le blé et le riz. Elle s’adapte à toutes les conditions de sols les plus divers, ce qui lui a permis de conquérir tous les continents et devenir l’aliment vital que l’on connait. « Eric BIRLOUEZ (Sociologue français, ingénieur agronome, auteur spécialisé dans l’alimentation et l’agriculture)
Ta vie commence six pieds sous terre,
La pomme de terre.
Minuscule tubercule, enfoui, caché,
Prélude à une aventure mouvementée,
Tu commences par nous faire une fleur.
Bon départ, y a pas d’erreur !
Fleur blanche que certains ont portée à la boutonnière,
Et pas des moindres, puisque familles princières !
Pourtant, Belle de Fontenay,
Tubercule à particule,
En robe des champs, (de chambre) tu déambules,
Les pieds dans le plat et sans scrupules.
Et toi, Charlotte, lorsque timide tu rougis,
Roseval on te surnomme et te met en cocotte.
Aïe, aïe, ail (?), ton père s’il l’apprenait
En pèlerait de rage, foi de Tubercule !
Si par malheur, tu prends une cuite à la vapeur
Quel « g …. hachis », Par Mentier tu es passée,
Ecrasée, en purée, à la viande mélangée.
Finir ainsi pour une grosse légume,
En servitude, à coups de spatule,
Ta vie n’est plus alors qu’amertume.
Pourtant, si, par chance, tu as la pêche,
On te baigne dans l’huile pour que tu aies la frite !
Quoi que tu fasses, tu es grillée,
Poêlée, sautée ou rissolée, toujours immolée,
Sacrifiée au plaisir de nos palais.
Et si, pour en finir, tu es dans le potage,
Dans la soupière alors tu surnages,
Mais jamais ne fais naufrage.
Patate douce ou pomme de terre,
Ton succès est universel,
De la vie tu as la rage
De la gastronomie tu es le gage. « Chantal ZINGARELLI (Poétesse française)





» Peler une pomme de terre bouillie, de bonne qualité, est un plaisir de choix. Entre le gras du pouce et la pointe du couteau tenu par les autres doigts de la même main, on saisit, après l’avoir incisé, par l’une de ses lèvres, ce rêche et fin papier que l’on tire à soi pour le détacher de la chair appétissante du tubercule. L’opération facile laisse, quand on a réussi à la parfaire sans s’y reprendre à trop de fois, une impression de satisfaction indicible. Le léger bruit , que font les tissus en se décollant, est doux à l’oreille et la découverte de la pulpe comestible est réjouissante. Il semble à reconnaitre la perfection du fruit nu, sa différence, sa ressemblance, sa surprise, et la facilité de l’opération que l’on a accompli là quelque chose de juste, dès longtemps prévu et souhaité par la nature que l’on a eu toutefois le mérite d’exaucer. C’est pourquoi je n’en dirai pas plus, au risque de sembler me satisfaire d’un ouvrage trop simple. Il ne me fallait, en quelque phrases sans effort, que déshabiller mon sujet en contournant strictement la forme, la laissant intacte mais polie, brillante, et prête à subir comme à procurer, les délices de sa consommation. » Francis PONGE (Écrivain et poète français / Extrait de son livre Oeuvres Complètes, Tome I )

Dans l’univers silence et paix,
Qu’au fond des bois l’écho sommeille,
Que sous le chaume et sous le dais
On ouvre une attentive oreille ;
Le nouveau sujet de mes chants
Eût été digne de Voltaire,
Muses, prêtez-moi ses accents,
Pour chanter les pommes de terre.
Les pommes de terre à présent
Sont les plus utiles des pommes ;
Elles sont le plus beau présent
Que l’Amérique ait fait aux hommes.
Oui, dans quelque lointain pays
Que l’on voyage, ou que l’on erre,
Des bords de l’Arve au Tanaïs
On vante les pommes de terre.
Le Savoyard industrieux
Qu’enrichit son climat champêtre.
Sous l’heureux toit de ses aïeux
Met son plaisir à s’en repaître.
Tel, sous sa tente le soldat
Qui ne respire que la guerre,
Attendant l’heure du combat
Croque aussi des pommes de terre.
Une Belle aux traits enchanteurs,
Aussi riche qu’une Princesse,
À qui ses fiers adorateurs
Jactaient leur table et leur noblesse ;
Leur dit un jour retirez-vous,
Amans des plaisirs et du verre,
Je veux me choisir un époux
Qui mange des pommes de terre.
Tous les jours le bon paysan
En fait cuire à pleines marmites,
Et le Suisse et le Valaisan
Les estiment plus que des truites ;
On en sert dans chaque repas
Chez le peuple de l’Angleterre,
On a vu d’hommes au trépas
Demander des pommes de terre.
Voyez ces jeunes montagnards
Qu’aujourd’hui la milice appelle,
Par leur prestance aux champs de Mars
Enchanter notre Marc-Aurèle :
Voyez-les d’un bras invaincu
Lancer le bronze et le tonnerre ;
De quoi chez eux ont-ils vécu ?
De pain et de pommes de terre.
Dans un banquet l’on m’offre en vain
Ou de la viande, ou des risoles,
Du miel, du beurre, du bon vin,
Et du fromage de Maroles ;
Ajoutez encore à ces mets
Les fruits de la meilleure serre,
Je ne m’y régale jamais
Sans un plat de pommes de terre.
Heureux, Messieurs, si ma chanson
A pu répondre à votre attente,
Et si de ce vaste Canton
Le sexe l’accueille et la chante ;
Mais ma voix commence à baisser,
Je sens, je sens qu’il faut me taire,
J’ai besoin de me délasser
Avec quelques pommes de terre. » Jean-Baptiste CLARAY (Poète français)







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