

» Peindre est déjà assez difficile sans ajouter des difficultés des outils en mauvais état. Il vous faut des bons pinceaux épais qui retiennent la peinture et résistent au coup de pinceau sur la toile – » La couleur est un don inné mais l’appréciation de la valeur n’est qu’un entrainement de l’œil que chacun devrait pouvoir acquérir » – » Prenez du recul, éloignez-vous et vous comprendrez alors le grand danger d’exagérer le ton. Des tons subtils, qui ne sont pas perceptibles par une personne de près, ne peuvent être ajustés que de cette façon. »Vous devez pouvoir dessiner, avec votre pinceau, aussi facilement (presque aussi inconsciemment) que vous le faites avec un crayon » John SINGER SARGENT
» Cultivez un pouvoir d’observation constant. Où que vous soyez, soyez toujours prêt à prendre des notes sur les postures, les groupes et les incidents. Enregistrez mentalement un flot continu d’observations pour faire ensuite des sélections. Surtout si tout s’échappe, si la lumière du soleil se lève, le pouvoir de sélection suivra. Prenez continuellement des notes mentales, répétez-les, vérifiez vos souvenirs par des croquis jusqu’à ce qu’ils soient fixés. N’hésitez pas à utiliser tous les moyens et à expérimenter, avec ingéniosité, afin d’atteindre ce sentiment de plénitude que la nature offre si magnifiquement, en gardant toujours à l’esprit les limites des matériaux avec lesquels vous travaillez. » John SINGER SARGENT
John Singer Sargent est un peintre très connu ( XIXe et XXe siècles), notamment aux Etats-Unis et en Angleterre où il est carrément adulé . En revanche il l’est moins dans notre pays, ce qui est assez étrange compte tenu du fait que c’est dans la capitale, à Paris, qu’il a connu le succès au début de sa carrière, qu’il a forgé son style, et dans notre pays qu’il a acquis une reconnaissance institutionnelle, notamment à partir du moment où l’Etat a acheté le portrait de Carmensita, en 1892, pour le Musée du Luxembourg.

En 2007, il avait partagé l’affiche avec Sorolla dans une exposition organisée par le Petit Palais (Peintres de la lumière : Sargent & Sorolla). Le Musée d’Orsay a eu une excellente idée de le mettre à l’honneur cette année, seul cette fois, pour l’anniversaire des 100 ans de son décès, en collaboration du Metropolitan Museum de New York Elle s’intitule John SINGER SARGENT – Éblouir Paris (jusqu’au 11. – 90 œuvres ( 80 tableaux et 20 dessins ) sont présentées dont certaines jamais en France.
C’est un peintre doué, novateur, doté très jeune d’un savoir faire qui va lui permettre d’avoir énormément de succès notamment de la part de personnes issues de l’aristocratie française, mais aussi de la part des nombreux expatriés américains qui se trouvaient à Paris lorsqu’il a débuté . Ses portraits sont très expressifs. Il avait ce don de savoir parfaitement cerner la psychologie de ses modèles, comprendre les personnalités de celles et ceux qu’il peignait. Il les « flatte » picturalement parlant, et il a mis, à leur service, sa talentueuse et inégalable technique . Chaque portrait était préalablement, et longuement, étudié et préparé.
Le portrait ne fut pas, toutefois, le seul sujet abordé. Il y a aussi de beaux paysages et des scènes de genre. Les paysages, peints en extérieur, vont d’ailleurs prendre une place assez importante vers 1900 , cela deviendra même une passion, et même si il ne recevra pas un accueil aussi fort qu’il a pu l’avoir avec les portraits, ses paysages seront l’objet d’importantes expositions que ce soit à Londres ou à New York.







Aux dires de celles et ceux qui l’ont approché, Sargent fut un homme curieux, volontaire, stratège, ambitieux, travaillant sans cesse. Un grand perfectionniste dans son art, très engagé dans le monde artistique de son temps, assez ouvert d’esprit pour s’intéresser aux tendances picturales qui étaient de mises à l’époque en France, à savoir l’impressionnisme et le naturalisme.

J’ai évoqué l’impressionnisme : Sargent rencontra Monet, à qui il vouait une grande admiration, en 1876 et deviendra son ami. C’est le seul du groupe des impressionnistes qu’il rencontrera. Leurs routes se rencontreront souvent et Sargent ira même rendre visite à Monet dans sa maison de Giverny. On évoque souvent l’influence que le peintre français a pu avoir su lui et d’ailleurs Monet reconnaitra lui-même que cette influence existait dans les paysages. Il lui rendra visite à Londres. Leur lien va quelque peu se distendre dans les années 1900. Toutefois, à la mort de Sargent, Monet dira avoir perdu un vieil ami …
» L’impressionnisme était le nom donné à une certaine forme d’observation lorsque Monet, non content d’utiliser ses eux pour observer les choses, ou leur apparence comme tout le monde l’avait fait, s’est attaché à observer ce qui se passait sur sa propre rétine, comme un oculiste testerait sa propre vision » J.S.S.
» Là où il ne va pas aussi loin que les impressionnistes, parce que cela ne l’intéressait pas, c’est dans la lumière. C’est un artiste attaché à l’ombre, alors que chez les impressionnistes tout est lumière. La filiation artistique de Sargent fait qu’il aime jouer avec l’ombre, avec de belles nuances et des jeux de transparence. Il n’est pas , pour autant, moins novateur que les impressionnistes. Il s’attache simplement à autre chose. » Caroline CORBEAU-PARSONS (Conservatrice au Musée d’Orsay)

Il n’ a pas eu de grandes difficultés à s’intégrer dans le milieu artistique de son époque lorsqu’il est arrivé à Paris, en 1874, à l’âge de 18 ans, d’autant qu’il parlait couramment le français. Il recevra de nombreux soutiens. Ses portraits vont plaire, la critique sera séduite par sa technique très habile, sa touche talentueuse, ses couleurs. On sent fort bien le travail de recherches et le soin méticuleux qu’il apporte à sa peinture et va acquérir, comme je l’ai dit, en début de sa carrière, un immense succès à Paris.
Côté vie privée il fut très discret. Il ne s’est jamais marié et on ne lui connait aucune relation . Il vivait avec sa sœur et aimait s’entourer d’amis qu’il appréciait beaucoup. Cette grande discrétion poussera beaucoup de personnes à dire qu’il était homosexuel mais rien ne peut l’étayer ou le confirmer.
Sargent est né en Italie en 1856, de nationalité américaine. Son père, Fitz William, est un chirurgien O.R.L à Philadelphie . Sa mère, Mary, vient d’une riche famille.. La famille est aisée, certes, mais vit de façon assez modeste, notamment lorsqu’ils quitteront tout pour vivre une vie » itinérante » . Il y aura quatre autres enfants au sein du foyer, deux survivront, deux sœurs : Emily et Violet .
Ses parents ont beaucoup voyagé dans toute l’Europe. Ils ont quitté les Etats Unis pour deux raisons le décès de leur premier enfant et la dépression nerveuse assez grave de Mary.
Ces voyages feront qu’il aura, au départ, une vie plutôt nomade certes , mais qui lui apportera une grande culture. Il parlait cinq langues dont le français parfaitement comme je l’ai dit plus haut .
Son goût pour la peinture et pour l’art en général lui vient de sa maman. Elle jouait fort bien du piano et l’emmenait assister à des concerts. Lui-même jouait, parait-il, merveilleusement bien de cet instrument et son compositeur préféré fut Wagner. C’est elle qui va l’encourager dans cette voie picturale qui sera la sienne et lui offrira, dès son plus jeune âge, tout un nécessaire pour peindre et dessiner. Il s’adonnait alors à l’aquarelle. Sur les conseils de Mary, il s’inscrira à l’École des Beaux-Arts de Florence en Italie en 1873, puis se présentera au concours d’entrée des Beaux-Arts à Paris. Il réussit avec succès et restera 4 ans dans cette institution.
» John est en âge d’aimer et apprécier la nature et l’art. Il dessine très bien et son œil est rapide et juste. Si nous avions les moyens de lui faire suivre des leçons avec un bon professeur, il deviendrait très vite un petit artiste. Jusqu’à présent il n’a suivi aucun cours mais certains artistes disent que son trait est remarquable. » Mary, sa maman, dans une lettre adressée à la grand-mère de John, Emily Haskell Sargent en 1867.
« John exprime fort le désir de devenir un artiste, un peintre, et il montre tant de preuves de talent dans ce domaine ! Il prend tant de plaisir à le cultiver que j’en ai conclu qu’il fallait accepter et s’en tenir à cet objectif pour ce qui concerne ses études. « William Sargent, son père, dans une lettre à sa mère en 1870
Parallèlement, il décide d’entrer dans l’atelier de Carolus-Duran un an plus tard. Il semblerait qu’il fut son élève préféré. Il suivra également des cours de dessin avec Léon Bonnat. C’est de cette époque que date son amitié avec Paul Helleu et James Caroll Beckwith.


Son succès va lui permettre d’avoir une grande notoriété. Il rencontrera Monet, Degas, Whistler, Rodin ; présentera souvent des tableaux au Salon de Paris, mais c’est toujours ses merveilleux portraits qui plairont le plus. Ceci dit il ne fut pas à l’abri du scandale : en effet, en 1884, il va présenter Madame X, une américaine qui a été souvent son modèle : Virginie Avegno. Le problème est que dans le tableau elle apparaissait avec une robe assez décolletée, avec une bretelle descendue sur l’épaule ce qui laissait apparaitre un peu sa poitrine. La critique n’apprécia pas du tout cette prise de liberté, on criera au scandale et beaucoup de celles et ceux qui le soutenaient, se détourneront un peu de lui.

Il voudra rectifier en corrigeant son tableau pour calmer tout ce beau monde, mais le mal était fait ! Pourtant, le temps passant, ce portrait va devenir une de ses œuvres la plus célèbre. Sargent en a toujours été très fier. A la fin du Salon, après l’avoir rectifié, il le gardera auprès de lui, puis le vendra au Metropolitan en 1916 affirmant : c’est la plus belle chose que j’ai jamais faite …
Attristé par cet incident, blessé par la critique, il décidera de se rendre à Londres en 1886. Une décision qui ne fut pas chose facile parce qu’il quittait Paris et tout le succès qu’il avait connu, pour une ville où tout était à refaire. Fort heureusement, il eut à ses côtés des personnes anglaises qui étaient de grands admirateurs de son travail, et qui l’aideront à installer sa notoriété en Angleterre aussi, même si au départ, la critique n’était pas très emballée.
Le premier grand succès à Londres viendra avec Lily, Lily Rose présenté à la Royal Academy en 1887 ( ce tableau se trouve désormais à la Tate Britain) . Après quoi , il recevra de nombreuses commandes ( des portraits surtout ). Il se rendra aux Etats-Unis en 1887/88 pour un voyage professionnel, des expositions à Boston, des commandes aussi, notamment des portraits de Rockfeller, Roosevelt, Stevenson, Henry James etc … Londres deviendra son port d’attache.

Comme il le faisait avec ses parents, il va , lui aussi, beaucoup voyager, pour son plaisir personnel, que ce soit dans différentes régions de France lorsqu’il était à Paris, puis, plus tard, en Espagne, au Maroc, en Italie ( Venise restera sa destination favorite) et aux Pays-Bas., puis se rendra aux Etats-Unis en 1876 d’abord avec sa mère et l’une de ses ses sœurs, puis très souvent, seul, à partir de 1888 notamment à New York et à Boston. Boston sera la première ville à organiser une première exposition américaine du peintre.






Il meurt à Londres, dans son sommeil, en 1925, victime d’un AVC , et sera enterré au Cimetière de Brookwood à Londres.






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