
« Il fit de la nuit son royaume » Pascal QUIGNARD (Écrivain français)
» Georges de La Tour nous fait revenir à cette expérience des ténèbres au sens inquiétant du terme que nous n’avons plus, avec la modernité, l’habitude d’expérimenter. » Philippe DAGEN (Critique d’art, universitaire et romancier français)
» La nuit de Georges de La Tour est une nuit lumineuse. C’est l’être de la révélation lui-même. La présence de la flamme est la présence réconfortante de l’obscurité. » Robert FOHR (Historien de l’art, traducteur et écrivain français )
» La Tour était un travailleur acharné, responsable d’une grande maisonnée et d’une entreprise en temps de guerre dont la maison, l’atelier et la ville ont été incendiés par les Français – Certaines de ses œuvres ont été détruites et lui-même est devenu un réfugié. Au-delà de son comportement de citoyen, ne trouve t-on pas des preuves d’humanité dans sa peinture, dans le regard qu’il porte sur ses malheureux compagnons d’infortune ? » Gail FEIGENBAUM (Co-commissaire de l’expo)
Après la grande rétrospective du Grand Palais en 1997, c’est une plus modeste mais néanmoins très belle et intéressante exposition à laquelle nous convie, en cet automne 2025, le Musée Jacquemart-André, à savoir celle consacrée à un grand peintre baroque, énigmatique, mystérieux, maître du ténébrisme, oublié durant presque deux siècles : Georges de la Tour peintre officiel sous le règne de Henri II de Lorraine , peintre ordinaire du roi Louis XIII, ayant aussi travaillé pour le cardinal de Richelieu .
Elle s’intitule Georges de LA TOUR – Entre ombre et lumière (jusqu’au 25.1.2026 – Au travers de 23 de tableaux sublimes ( plus de nocturnes que de diurnes) sur les 40 officiels le concernant, présentés de façon thématique. Des œuvres où l’on peut admirer son réalisme intimiste, ses merveilleux clairs-obscurs, sa simplicité, sobriété, émotion, spiritualité, le sens profond de sa lumière.


Outre les œuvres du peintre, on peut admirer également celles d’autres contemporains caravagesques ou ou peintre qui ont inspiré de La Tour comme Jean Le Clerc, Jacques Callot Claude Gellée, Claude Deruet ..
Il y a chez lui un mélange savoureux d’influences diverses : flamandes, françaises, allemandes, et aussi du caravagisme, mais compte tenu du fait que l’on n’a pas une grande quantité d’éléments de sa vie, on ne peut affirmer avec certitude qu’il a rencontré tel ou tel peintre comme Le Caravage par exemple ou ses suiveurs flamands et ce parce qu’il ne semble pas qu’il se soit déplacé en Italie ou dans le Duché de Lorraine, ni même ailleurs en France.
Toutefois, il existe une influence dans le traitement et le choix des thèmes utilisés, et ce même si il garde sa spécificité personnelle, son propre réalisme, sa puissance : il n’y a rien de théâtral chez lui. Il y a plus d’intériorité, de sérénité, de profondeur dans son réalisme. Ses tableaux ont une spiritualité profonde qui les rends touchants et poussent à la réflexion sur la condition humaine.
Les œuvres de ce peintre sont assez fascinantes je trouve. Elles dégagent une rigueur évidente, une très grande maîtrise de la lumière , de ce fameux clair-obscur, c’est-à-dire qu’il a su magnifiquement jouer sur le contraste entre la lumière et l’obscurité, qui est , comme on le dit souvent » un jeu qui semble révéler les secrets de l’âme humaine ».
Il a fait une spécialité de l’ éclairage à la bougie, superbe et unique source de lumière qui semble suspendre le temps. Elle a un sens profond et même sa faible et vacillante intensité attire le regard. La flamme d’une bougie relève chez lui du divin, elle est un symbole de la vie.



Ses œuvres sont réellement d’une grande richesse, avec un style très sobre. Ses sujets sont les moments de la vie quotidienne, des musiciens, des mendiants, des scènes très réalistes, des sujets religieux également, assez originaux dans le sens où bien souvent, par exemple, les personnages religieux, des saints, se retrouvent dans des scènes de la vie courante et non vus comme des personnages divins.



De La Tour a été un peintre français très célèbre à son époque. Malheureusement, il tombera dans l’oubli après sa mort. Cela est dû, en grande partie, au fait qu’il a très peu signé ses tableaux, et par ailleurs, lorsque la signature apparaissait, peu visible, elle fut effacée. Du coup, après son décès, ils furent attribués à d’autres peintres souvent italiens ( Guido Reni, Carlo Saraceni, Orazio Gentileschi, hollandais (Gerrit van Honthorst ou Hendrick Terbrugghen), français (Quentin de la Tour – la proximité du patronyme ) et même espagnols (Francisco de Zurbaran ou Vélésquez).
Tout cela sans oublier l’incendie de Lunéville en 1638 durant la Guerre de Trente ans . Sa maison va brûler, son atelier aussi, emportant avec eux d’autres de ses tableaux. C’est à cette époque qu’il partira pour Paris avec sa famille, entrera au service du roi Louis XIII à qui il prêtera serment de fidélité.
Un certain nombre de personnes vont œuvrer bien des siècles plus tard, pour le faire renaitre de ses cendres et que l’on puisse le redécouvrir : il y eut d’abord, en 1863, un érudit , Alexandre Joly qui avait retrouvé sa trace et pu ainsi regrouper quelques bribes de sa carrière. Puis , en 1915 un historien de l’art, allemand, Hermann Voss, lui attribuera la paternité de deux de ses plus célèbres tableaux (son travail et ses recherches seront confirmées et renforcés par la thèse de François-Georges Paris en 1948) .
Un premier livre le concernant paraitra durant la première guerre mondiale, écrit par Thérèse Bertin-Mourut, et une toute première exposition verra le jour entre 1934/35 au Musée de l’Orangerie (Les Peintres de la réalité en France au XVIIe siècle) .
On sait qu’il est né en 1593 à Vic-sur-Seille, près de Nancy, second dans une fratrie de sept enfants. Qu’il est issu d’une famille catholique, assez aisée. Son père Jean est boulanger, et sa mère Sibylle fait partie d’une famille issue de cette corporation . Il a dû débuter un apprentissage dans la peinture assez tôt, très attiré, probablement, par la révolution picturale du Caravage probablement (mais sans assurance ou confirmation) chez les suiveurs de ce dernier dans sa région .
Il s’installera à Lunéville après son mariage en 1617 avec Diane le Nerf, la fille de l’argentier du duc Henri II de Lorraine. Elle lui donnera dix enfants. Seuls trois d’entre eux survivront, les autres mourront avant l’âge adulte. Cette union avec la fille d’une famille de la noblesse va lui permettre de côtoyer des gens importants, et donc d’obtenir de nombreuses commandes qui lui amèneront le succès et la renommée.
Il vivra de façon assez aisée , ce qui lui permettra d’ouvrir un atelier et accueillir des apprentis. Il mènera grand train. On note son départ pour Paris entre 1638 et 1642, peu après l’incendie qui avait détruit Lunéville et de la situation conflictuelle qui sévissait à l’époque dans cette région. C’est là qu’il entre au service du roi Louis XIII, deviendra le peintre ordinaire de sa majesté, lequel lui passera de nombreuses commandes, tout comme le fera Richelieu, et autres clients importants de la Cour. Il bénéficiera d’un appartement au Louvre et recevra un salaire assez confortable.
Cette position attisera des jalousies et on dira de lui qu’il était un opportuniste, un traite à sa région natale. Lorsque la Lorraine retrouve sa sérénité, il retourne à Lunéville en 1643. Son client principal, celui qui va lui passer un grand nombre de tableaux, sera le gouverneur français de Lorraine : le Marchal de La Ferté.
Alors qu’il a choisi de peindre les gens du peuple, certains documents juridiques retrouvés et parlant de lui, laissent à penser que c’était un homme qui était plutôt dur, austère, avec cette catégorie sociale à tel point qu’un bon nombre d’entre eux n’ont pas manqué de le poursuivre en justice.
Il y a deux sortes d’œuvres chez ce peintre : les diurnes et les nocturnes. Les premières correspondent normalement à ses débuts. Il peint alors de façon assez » élégante « , il y a un nombre important de détails, les couleurs sont très nuancées.

Les secondes, dites nocturnes, sont plus épurées, pas de superflu. Il émane d’elles comme un silence intimiste , un recueillement . Elles ont des formes plus géométriques, les couleurs sont appliquées de façon plus larges, et la lumière est très minutieusement travaillée pour que le regard de celle ou celui qui regarde le tableau soit comme » dirigé » là où le peintre souhaitait que l’on s’attarde. C’est assez incroyable ! Les tableaux de cette période prennent un autre sens, plus méditatif on va dire.


Comprendre Georges de La Tour a demandé des siècles. Dès que l’on a pu connaitre un peu mieux ce que fut sa vie et sa carrière, une première exposition verra le jour en 1934 au Musée de l’Orangerie à Paris. La plus importante sera celle du Grand Palais en 1997.
L’influence que Georges de La Tour a pu avoir sur d’autres peintres français après sa mort, est assez limitée pour la simple raison que ses apprentis et élèves ne se sont pas faits connaitre et son propre fils, Étienne, formé dans son atelier, a abandonné le métier de peintre parce qu’il n’égala jamais son père.
De plus il est, comme expliqué plus haut, tombé dans l’oubli. Les expositions qui viendront un jour vont, malgré tout, donner envie à certains artistes de se sentir proches de lui. C’est le cas des cubistes (pour son côté » formes géométriques » )notamment avec Picasso, Braque et Cézanne aussi.
Il est mort en 1652 à l’âge de 58 ans. L’acte de décès stipule d’une pleurésie. En fait il y eut une épidémie dans la région. Son épouse et son valet vont tous les deux en mourir et il les suivra de quelques mois. Ce qui laisse supposer que ce fut la cause réelle de son décès. Sa tombe a toujours été introuvable.







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