Plumes pointes palettes et partitions

 » La chicorée se contente de terrains incultes qui dédaigneraient d’autres fleurs. Il ne lui faut que du soleil ! Au lever du jour, en été, on peut voir se déplier ses pétales d’un bleu lumineux et pur, finement dentelées à l’extérieur. Hâtez-vous de l’admirer car sa vie est brève. Vers midi, on voit se refermer et s’incliner mollement ses pétales devenus rosâtres.

Dans la chicorée tout est utile. Les jeunes pousses font d’excellente salades, un peu amères certes, mais qui, mariées à des espèces plus douces comme la mâche ou les pousses de scorsonères, font un mélange délicieux. Les jardiniers en ont tiré toutes sortes de variétés : chicorée améliorée, chicorée barbe de capucin, blanche parce que privée de lumière, touffes de chicorée frisée, si bonne avec des croutons de pain rassis frottés à l’ail ! Enfin n’oublions pas l’endive crue ou cuite qui doit garder un arrière-goût d’amertume pour stimuler l’esprit.

Quand à la racine, sèche et torréfiée, elle peut donner une illusion de café à ceux que la caféine incommode. Comme la plupart des plantes amères, elle vient au secours des foies paresseux si on la consomme en infusion.  » Marthe SEGUIN-FONTES ( Ex-institutrice, auteure-illustratrice, agrégée d’arts plastiques)

P.S. : Un petit rajout personnel à ce texte : la chicorée est surnommée la fiancée du soleil., et comme beaucoup d’autres fleurs, elle a sa légende à savoir, comme l’évoque Ovide dans Les Métamorphoses : il s’agirait d’une jeune fille, Elytra, abandonnée par le dieu Soleil et qui se transformera en fleur de chicorée pour toujours pouvoir suivre du regard son bienaimé dans le ciel. Dans le langage des fleurs, la chicorée symbolise la fidélité, la douceur, la nostalgie, la mélancolie, mais également la force et la persévérance car c’est une fleur qui représente la capacité à surmonter les obstacles.

« Figé par sa beauté
je me suis accroché
à la chicorée bleue
et je tentais de la rebaptiser
d’un nom qui lui conviendrait mieux
et rendrait davantage hommage
à cette reine des fleurs sauvages

un nom comme œil bleu d’été
bel œil de nos étés bleus
œil chic au carré
ma chic adorée
la dame en bleu des prés

et pendant que je cherchais son autre nom
la chicorée de son œil bleu me fixait
comme si elle ne voyait que moi
et moi je ne voyais qu’elle
la belle de ma ruelle
belle entre deux poubelles
belle sortie de terre
entre deux pierres
belle aux yeux tendres
hissant sans aucun scrupule
au dessus de l’huile et de la cendre
ses éphémères capitules
pour offrir à qui voudrait les admirer
ses délicates languettes bleutées
et même les extrémités enroulées de son pistil
logées au cœur de ses verticilles

la voir ainsi sans retenue
étaler ses atouts de fleur
cet autre nom m’est parvenu
l’endive bleue et sans pudeur … » René LACHAÎNE (Poète français)