« Il y a d’abord le parfum. Encre et papier, odeur de pensée vive. Emmenée dans une librairie les yeux fermés, je la reconnaîtrais je crois, rien qu’à cela et sans me tromper. Et puis il y a le bruit, lui aussi unique : le chiuntement , à peine perceptible, des volumes effeuillés par les clients et les vendeurs, écho feutré de leurs va-et-vient, à pas qu’on dirait comptés, entre les rayons et les étagères. Fièvre silencieuse des neurones. La frénésie commune s’arrête aux portes des librairies, comme frappées, ainsi que dans les vieux contes, d’un inexplicable et rigoureux interdit. Et pourtant, il n’est pas lieu plus libre … Ce qui a été exclu c’est le vain, le superflu. Ils sont restés dehors dans le superflu, sur le trottoir.
J’entre donc dans une librairie comme naguère on allait vers les sources qui soignent. J’ai soif de tous les mots qui m’attendent , de cet amour, de cet espoir jaillissant, de cette pluie d’imaginaire. De ces cascades d’exigences qui me guettent au coin des pages, du dérangement nécessaire que m’apportent les vrais livres. Je ne connais pas d’endroit au monde où se marient plus harmonieusement la paix et le désir. La preuve : même quand je sors d’une librairie, le dos ployant sur les achats, je me sens légère, enivrée, enlivrée. Faut-il vraiment l’avouer ? Je suis une livrogne. « Irène FRAIN (Femme de Lettres, romancière française, journaliste. Extrait du livre Librairies, corps et âmes – Textes inédits et publiés par Dominique REYNIÉ (Professeur à Sciences-Po / Paris , politologue français) avec le soutien du Centre national du livre.







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