
« L’art doit rester à part et s’adresser à la sensibilité artistique de l’œil nu ou de l’oreille, sans se confondre avec des émotions qui lui sont totalement étrangères telles que la dévotion, la pitié, l’amour ou le patriotisme. » James ABBOTT MCNEILL WHISTLER.

Direction Rouen aujourd’hui pour continuer notre petit voyage hommage au mouvement impressionniste au travers d’une fort belle exposition que nous propose le Musée des Beaux-Arts de Rouen. Elle s’intitule WHISTLER-L’effet papillon et se tiendra jusqu’au 22 septembre 2024.
Proposée en neuf espaces , au travers d’une cinquantaine de gravures, poèmes, objets d’art, photographies, extraits musicaux, littéraires, tableaux et portraits du complexe James Abbott McNeill Whistler, mais d’ autres divers peintres aussi .
L’ expo a pour but, en effet, de faire entrer le public 1) dans l’univers de ce peintre novateur, indépendant, tourné vers la modernité, qui a vivement passionné la critique entre 1874 et 1914, et qui fut aussi graveur, aquarelliste, décorateur, scénographe ; 2) dans l’influence et la fascination qu’il a pu avoir sur d’autres peintres ; 3) d’essayer de comprendre ce phénomène (Whistlerisme) qui a rayonné sur le monde pictural de son époque ; 4) pourquoi sa manière de peindre a tant fasciné que ce soit dans les portraits en pied, les motifs, les décorations, ses harmonies colorées, la grâce de ses tableaux, l’élégance recherchée etc….
» Une mouvance d’artistes a regardé son travail et se sont mesurés à Whistler. il a des disciples directs comme Walter Sickert. Certains entraient dans son atelier pour se former auprès de lui et aller dans les secrets de la fabrication. Jacques Émile Blanche est venu à Londres pour se confronter à sa peinture. Whistler avait conscience de cela. Il a pensé à la postérité. Il a eu aussi la volonté de transmettre son art, c’est pour cela qu’il enseignera à l’Académie Carmen de Paris « Laura VALETTE (Docteure en histoire de l ‘art)
Comme les symbolistes, ce précurseur-influenceur a eu pour crédo l’art pour l’art avec en toile de fond la poésie, la musique et un certain art de vivre . Toutefois, comparativement à ceux qui font partie de ce mouvement, il a été moins attaché au côté métaphysique et davantage intéressé par le côté esthétique. Comme je l’ai dit, il a aimé durant un certain temps le réalisme de Courbet puis l’a rejeté ; l’impressionnisme et les estampes japonaises dont il était, d’ailleurs, un grand collectionneur et l’un des premiers à s’y intéresser en France.



Pourquoi l’effet papillon ? Tout simplement parce que ce peintre ne signait pas ses tableaux de son nom mais avec un petit monogramme représentant un papillon. Par ailleurs, tel un papillon qui vole et se pose sur différentes fleurs, la peinture de Whistler a voyagé et inspiré, comme dit plus haut, de nombreux autres peintres, de différentes nationalités, tel John Lavery, Paul César Helleu, Walter Sickert, John Duncan Ferguson, John Singer Sargent, Jacques Émile Blanche, Jean Aman, Giovanni Boldoni, William Turner-Dannat etc… Cette grande influence a donné naissance, aux XIXe et XXe siècle, à ce que l’on a appelé le Whistlerisme, lequel a ouvert la porte à l’impressionnisme et au symbolisme.





Pourquoi faire entrer ce peintre romanesque dans le cadre des hommages à l’impressionnisme compte tenu du fait qu’il ne faisait pas partie de ce mouvement me direz-vous ? C’est une réflexion tout à fait exacte. Il ne l’était pas, mais par contre il a été un grand ami des peintres de ce mouvement. Il a passé une grande partie de sa carrière à Paris, a participé à certains Salons.
De plus , la peinture de Whistler a beaucoup de points communs avec celle des impressionnistes : grand admirateur de Monet, lui aussi a énormément cherché à peindre ses ressentis plus que la réalité, lui aussi s’est beaucoup plus intéressé aux formes, aux couleurs, à la composition, plus qu’au sujet en particulier.


Comme beaucoup l’affirment : Whistler fut américain de naissance, français de formation et britannique pour sa carrière. A Paris, dès son arrivée, il fut affublé de surnoms le frisé parce qu’il avait les cheveux très bouclés, ou l’Apollon de poche en raison de sa petite taille.
Il a eu une vie bien remplie que ce soit de par les rencontres qu’il a pu faire à titre personnel ou professionnel, ses nombreux voyages, le monde aristocratique dans lequel il a évolué quel que soit le pays où il se trouvait.
On a souvent dit de lui qu’il fut un libertaire, ombrageux, dandy arrogant avec un esprit acéré, opportuniste, excentrique, doté d’un caractère bien trempé, n’ayant pas sa langue dans sa poche, n’appréciant pas vraiment qu’on puisse donner un avis critique sur l’un de ses tableaux, et ne manquant pas de le faire savoir d’ailleurs à qui voulait bien l’entendre. Il est même allé jusqu’au procès contre le critique d’art John Ruskin qui avait osé dire qu’il n’appréciait pas Nocturne en noir et or. Par contre, on ne résistait pas à son humour décalé.
Il fut, tout à la fois, un peintre rural et urbain. Il trouvait autant de poésie dans un paysage de campagne que dans un paysage industriel avec des ciels sombres emplis de fumée. On retient surtout de lui qu’il a, incontestablement, révolutionné l’art du portrait.
Il a connu un succès mondial de son vivant, mais il est resté souvent globalement incompris. Pourtant, il a beaucoup travaillé pour faire évoluer son art, un art pour lequel il avait des idées personnelles bien précises. Il fut un obsédé toujours à la recherche de nouvelles techniques, expérimentations, toujours en quête (de façon approfondie, préoccupante et incessante) de plus d’esthétique, de la beauté plastique , sociale, morale qui étaient de mises à son époque.
De nos jours, on admire son travail, son excellence en tant que coloriste, ses beaux et séduisants tableaux, savoureux mélange de réalisme, avant-gardisme, avec un petit soupçon de préraphaélisme, la délicatesse, la finesse et la subtilité de son coup de pinceau.
Très inspiré par la musique de l’époque romantique, il a souvent donné des noms de compositions comme Nocturne, Symphonie, Harmonie, Arrangement à ses tableaux; Il a assimilé ces termes musicaux aux couleurs de sa peinture. Il a les a vues telles des notes subtiles de musique sur sa toile, pouvant atteindre la sensibilité de celles et ceux qui les regardent. Le terme Nocturne a été le premier inventé par Whistler dans le genre pictural. Il avait parmi ses amis un grand admirateur de Chopin. C’est lui qui lui conseillera de donner cet intitulé à un tableau. Les autres suivront dotées d’une grande expressivité poétique
« La nature contient des éléments, couleurs et formes de toute peinture, comme le clavier contient les notes de musique. L’artiste est né pour en sortir, choisir, et grouper avec science les éléments, afin que le résultat soit beau comme le musicien assemble ses notes et forme des accords jusqu’à ce qu’il éveille du chaos une glorieuse harmone. » J.W.





Il est né en 1834 aux Etats-Unis. Son père, George, était ingénieur dans une société ferroviaire. Sa mère, Anna, une femme très pieuse qui s’occupait des trois enfants que son mari avait eu d’une précédente union, et des cinq qu’elle avait eu avec lui : James, William, Kirk, Charles et Jean.
Il va, très tôt, se montrer doué par le dessin. Adolescent, cette vocation artistique va se confirmer. En 1849, il perd son père. Toute la famille, qui vivait alors en Russie (son père ayant été appelé pour superviser une ligne de chemin de fer importante), retourne, dans un premier temps, en Angleterre, puis aux Etats-Unis dans le Connecticut. Il entre alors à l’Académie militaire de West Point. Résultats médiocre, manque de rigueur, il est exclus de la célèbre institution. Il se tourne vers sa passion pour le dessin et la technique de l’eau-forte.
A 21 ans, son désir d’être peintre se confirme. Il abandonne tout projet de carrière militaire, quitte les Etats-Unis pour l’Europe. Il arrive à Paris, découvre Courbet, s’installe au Quartier-Latin et mène, comme d’autres, une vie de bohème. Il se lie d’amitié avec Henri Fantin-Latour, Alphonse Legros, Carolus-Duran, Bracquemont, Edouard Manet, et sera vivement apprécié par Mallarmé (son ami) , Baudelaire , Huysmans , Wilde, et Proust.
Proust a vivement admiré Whistler que ce soit ses tableaux, ses gravures et ses eaux-fortes , et comme Jacques-Émile Blanche ou Lucien Daudet, il l’a considéré comme un maitre. Il a partagé, avec lui, un vif intérêt pour le japonisme. Il l’a tant admiré qu’il en a fait un personnage dans son roman A la recherche du temps perdu, à savoir le peintre Elstir, et son nom (Whistler) a été souvent cité dans ses autres livres notamment dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs ou Le côté de Guermantes.
Il beaucoup voyagé en France, en Angleterre un pays où il a été vivement apprécié par d’autres peintres comme John Everett Millais, William Rossetti notamment, des poètes et surtout le président de la Royal Academy Charles Eastlake. Il s’est rendu en Italie également, Venise. C’est un endroit où il souhaitait ardemment aller car il avait une grande admiration pour Canaletto et Guardi. Là-bas, durant trois mois, il a peint sur le motif, arpentant les petites ruelles de la Sérénissime, s’émerveillant des façades rongées par l’humidité : » J’ai appris à connaitre Venise dans une Venise que les autres ne semblent avoir jamais perçue… »

Côté cœur, Whistler a eu dans sa vie une femme qui a compté plus que les autres : Joanna Hifferman, rencontrée en 1860. Elle sera son modèle et sa maîtresse durant six ans. Avec elle, ils ont fréquenté les Cercles et Salons les plus en vue. Elle n’était pas du tout appréciée par la famille du peintre. Un jour, elle posera pour Courbet pour son célèbre tableau L’Origine du monde et entamera une liaison avec lui ce qui offensera profondément Whistler. Il va rompre peu de temps après le scandale occasionné par le tableau. Malgré leur séparation, elle continuera d’élever l’enfant que Whistler avait eu avec l’une de leurs domestiques.
James épousera en 1888 une de ses élèves, Beatrice Philip, qui faisait des études d’art, et posait pour lui .Elle travaillera à ses côtés, s’occupera de leur atelier commun, concevra des vitraux. Ils vivront un mariage heureux jusqu’à ce qu’elle décède en 1895.
Les années 1890 furent fructueuses pour lui picturalement parlant puisque ses tableaux se vendaient bien. On peut même affirmer qu’il avait atteint la gloire et la reconnaissance mondiale de son vivant. Pourtant, il finira sa vie malade, rongé par une terrible dépression nerveuse que la mort de son épouse n’avait pas arrangé. Il meurt à Londres en 1903 et sera enterré à l’Église St Nicholas (Chiswick/Londres) auprès de Béatrice.





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