J’ai choisi de vous parler de ce ballet car il est à l’affiche du Palais Garnier de Paris du 2 mai au Ier juin 2024

 » Giselle condense tout ce qui était cher aux romantiques et au-dessus du bonheur humain. Sur le plan de la danse, cette œuvre cerne toutes les préoccupations des chorégraphes, de la narration, jusqu’à la magnifique abstraction des ensembles du second acte. C’est pourquoi Giselle peut être considéré comme le ballet des ballets. » Thierry MALANDIN (Chorégraphe français)

(Vidéo : Opéra de Paris – Dorothée GILBERT & Mathieu GANIO)

Neuf ans après La Sylphide de Philippe Taglioni, naîtra Giselle , ballet pastoral magnifique, en deux actes, au croisement de l’évolution d’un art : la danse classique, et d’un mouvement littéraire : le romantisme.

Giselle a beaucoup de points communs avec La Sylphide. Il est basé sur la même formule du réel confronté au surnaturel. Toutefois, dramatiquement parlant, on peut dire qu’il fait preuve de beaucoup plus de profondeur.

C’est le ballet de l’émerveillement, de la poésie, de la magie, du fantomatique, le témoignage de l’amour idéalisé et déçu. Giselle est le ballet de l’Arabesque, position en appui sur une jambe, corps bien droit, pendant que l’autre jambe est levée à hauteur. En l’exécutant, cela donnait l’impression d’une sculpture, d’une reproduction statique de l’envol des Willis, et ce fut surtout utilisé à des fins poétiques.

Le ballet conte l’histoire d’une jeune paysanne passionnée de danse, folle d’amour pour un jeune seigneur qu’elle pensera qu’il ne peut être pour elle en raison de sa position sociale. Il va pourtant lui faire croire que cela est possible et la séduira. Lorsqu’elle mourra, il sera inconsolable et elle reviendra le hanter chaque nuit.

Le poète Théophile Gautier avait une grande passion pour la danse. Elle le fascinait, le mouvement surtout. Non pas le mouvement vu en tant que tel, reproduction du réel comme il aimait à le dire, mais comme une gestuelle dictée par une grande esthétique. Il voyait la danse comme de la littérature en jambes. Giselle sera son rêve.

Par ailleurs, il était très amoureux de celle qu’il considérait comme sa muse, la très grande ballerine de l’époque à savoir : Carlotta Grisi dont il affirmait qu’elle était dotée d’une incroyable technique sur les pointes, qu’elle savait allier force et grâce, qu’elle était, de plus, très jolie avec des superbes yeux bleus :  » ils rappellent la couleur de la violette la nuit ! « .

 » Elle rase le sol sans le toucher. On dirait une feuille de rose que la brise promène  » T.G.

Carlotta GRISI en 1841 dans Giselle

Elle fut pour lui le seul vrai amour de son cœur . Ne pouvant espérer qu’elle soit ce qu’il aurait souhaité pour lui, il épousera la sœur de Carlotta, Ernesta, une cantatrice qui lui donnera deux enfants. La danseuse sera la marraine de leur fille Judith. Le mariage entre Théophile et Ernesta ne sera pas heureux. Il aura des maîtresses et continuera d’avoir des sentiments pour Carlotta. Le couple va donc se séparer en 1866. A partir de là, il reprendra contact avec sa ballerine préférée, lui fera part des sentiments profonds qu’il éprouvait pour elle. Ils se verront de temps à autre, échangeront une correspondance amico-amoureuse qui va durer longtemps.

C’est donc pour elle tout spécialement, qu’il va imaginer ce ballet qui lui sera offert pour ses 22 printemps. Il le fera en s’inspirant d’une part de Victor Hugo dans son recueil de poèmes Fantômes, mais également, et surtout, de l’histoire de jeunes filles mortes d’amour parce qu’abandonnées, que Heinrich Heine racontera dans son livre De l’Allemagne.

Il rédigera le livret en 1841 en collaboration avec l’auteur dramatique Henri Vernoy de Saint-George. Le ballet fut, au départ, intitulé Les Willis , puis rebaptisé Giselle. Sa création se fera à l’Académie royale de musique de Paris (Opéra) qui était situé, en ce temps-là, rue Le Pelletier.

La chorégraphie fut confiée à Jean Coralli et Jules Perrot (ce dernier était, à l’époque, le compagnon de Carlotta Grisi) – Tous deux vont construire une incroyable dramaturgie dans leur chorégraphie, que ce soit pour les lumineuses scènes terrestres ou les visions nocturnes spectrales, les envols des Willis ou les danses très aériennes de la ballerine. Avec eux, la danse féminine va subir de grandes métamorphoses. Ils sauront conserver un partage équitable entre danse de caractère et danse classique pure. Carlotta Grisi triomphera dans les variations sublimes imaginées à son attention.

Le musique est celle de Adolphe Charles Adam. Un compositeur français, critique musical et professeur au Conservatoire. Il avait écrit, auparavant, un bon nombre de partitions pour la danse, mais celle-ci lui apportera, sans conteste, la renommée et la consécration. C’est une musique qui abonde en motifs divers et superbes. Elle a un sens aigu de la concision dramatique, à la fois lumineuse, efficace dramatiquement parlant, assez raffinée orchestralement.

Les scènes de pantomime offrent de belles variations rythmiques et le leitmotiv (thème répété) est souvent utilisé pour faire référence, notamment, à une émotion ou un évènement précis. A noter que pour le Pas de Deux des jeunes paysans (qui sera rajouté au ballet) ce n’est pas la musique de Adam que l’on entend, mais celle d’un autre compositeur allemand Frederic Burgmüller.

(Vidéo :  » Pas de Deux des jeunes paysans  » Miriam OULD BRAHAM & Emmanuel THIBAULT – Opéra de Paris)

Depuis sa création en 1841, ce ballet fait partie du répertoire de l’Opéra de Paris où il sera très régulièrement dansé jusqu’en 1868. Puis il tombera dans l’oubli et ressuscitera de ses cendres grâce à Marius Petipa qui le reprendra et apportera des avancées considérables. Tout commencera par l’arrivée de Jules Perrot à Saint-Pétersbourg. Il souhaitera remonter Giselle et demandera à Marius d’être son Albrecht.

Ce dernier le dansera très souvent avant de devenir le grand maître de ballet et chorégraphe que l’on connait. Il avait donc une connaissance très poussée du ballet, des différents rôles, et il avait, ce qui n’était pas négligeable, bénéficié des conseils précieux de Perrot. Petipa le montera donc en 1884, puis en 1887, et en 1889, en apportant, à chaque fois, ses propres embellissements, des variations différentes. Il souhaitera que tout le corps de ballet soit sur les pointes et créera, entre autres, un nouveau magnifique Pas de Deux (toujours d’actualité) entre Giselle et Albrecht. Il réduira la pantomime, s’adaptera aux goûts du public de chacune des époques où il l’a présenté, proposera des danses nombreuses entre Myrtha et les Willis. Pour la musique il fera appel à Ludwig Minkus.

Giselle peut se vanter d’avoir connu des très grandes interprètes. La première, dont on dit qu’elle fut sublime dans le rôle, fut Alicia Alonso. Elle l’a dansé tant et tant de fois dans sa carrière ! Il y eut aussi la française Yvette Chauviré, surnommée la Greta Garbo de la danse, si touchante avec Rudolf Noureev ou Cyril Atanassoff dans ce ballet qui restera, à jamais, son préféré, celui qu’elle a dansé plus de 300 fois .

(Vidéo : Alicia ALONSO)

Il y eut aussi Carla Fracci, Margot Fonteyn qui seront tout aussi incroyables et laisseront un souvenir impérissable. Parmi les plus jeunes, il y a la belle Svetlana Zacharova pour qui Giselle reste un très grand rôle dans sa carrière. Elle y est pleine de fraîcheur, de grâce, romantique, intuitive, avec une espèce de fragilité qui la caractérise et qui convient si bien à ce rôle.

(Vidéo : Margot FONTEYN & Rudolf NOUREEV)
(Vidéo : Svetlana ZAKHAROVA )

2 réponses à « Histoire d’un ballet :  » Giselle «  »

  1. Scrongneugneu…Toujours pour les Parisiens !

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    1. Avatar de Lisa Pascaretti
      Lisa Pascaretti

      😃 Eh oui …De plus, réserver n’est pas chose facile ! L’essentiel est de connaitre les programmes avec assez d’avance pour pouvoir le faire. Merci Pat ♥🩰

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