« Champagne…ô sublime merveille ! Bruyant comme la foudre, aussi prompt que l’éclair, tu fuis les flancs de la bouteille, lorsque libre et joyeux, le bouchon saute en l’air  » Jean-Louis GONZALLE( Poète français) 

 » Certains vins frais, dont la mousse pressée, de la bouteille avec force élancée, avec éclat fait voler son bouchon. Il part, on rit, il frappe le plafond. De ce nectar l’écume pétillante, de nos français est l’image brillante »  » François-Marie AROUET dit VOLTAIRE (Philosophe français) 

Statue de Dom Pérignon à Épernay (Maison MOËT & CHANDON ) – Réalisée par le sculpteur Léon CHAVAILLAUD et fondue en Bronze par GONOT

 » Dom Pierre Pérignon, moine bénédictin, procureur, c’est-à-dire chargé de la gestion  des biens de l’abbaye de Hautvillers, près d’Éperna, de 1668 jusqu’à sa mort en 1715, est le génial inventeur du champagne. Nombre d’articles, d’émissions de radio et de télévision le proclament et le répètent en France et dans le monde. Selon l’Encyclopédie Larousse, c’est lui qui  » trouve un procédé permettant d’obtenir à coup sûr une mousse régulière dans la fabrication du champagne « . L’Internaute lui attribue «  une nouvelle méthode de pression du vin , la méthode champenoise. » – Le site Internet, que le Figaro a consacré au vin, va même plus loin :  » l’assemblage des trois cépages, le bouchon de liège, les bouteilles plus épaisses, le stockage dans les crayères, c’est lui.  » La plupart des ouvrages sur le champagne et nombre de dictionnaires abondent dans la louange de Dom Pérignon. Tout comme la littérature, par exemple John Green qui écrit dans Nos étoiles contraires :  »  savez-vous ce que Dom Pérignon a dit après avoir inventé le champagne ? Il a appelé ses frères moines et leur a dit : venez-vite je goûte les étoiles.

La multitude de ces propos convergents et sans cesse répétés depuis longtemps, ne saurait décourager la recherche de la vérité historique. L’accumulation de telles affirmations ne constitue pas une preuve. Un examen attentif du sujet conduit à dénier au célèbre moine toute invention : Dom Pérignon inventeur de l’effervescence, ce n’est qu’une légende. Pour autant, si les plus récentes découvertes scientifiques permettent désormais de tout savoir sur l’élaboration du vin, la formation de la mousse, la vie des bulles, leur nombre, leur diamètre, leur vitesse d’ascension dans le verre, l’origine du champagne demeure toujours quelque peu mystérieuse et nécessite l’intervention renouvelée des historiens  à partir des pièces disponibles d’un puzzle complexe et aussi la découverte de documents complémentaires dans les archives encore inexplorées.

Un autre moine de l’abbaye de Hautvillers, son dernier procureur, Dom jean-Baptiste Grossard est à l’origine de la légende. Dans une lettre rédigée le 25 octobre 1821, il écrit que  » c’est le fameux Dom Pérignon qui a trouvé le secret de faire le vin blanc mousseux. » Même si ce secret n’est pas précisé, nul ne songe à contester le propos du moine et la légende enfle d’années en années.

En 1861, le procès-verbal du Congrès archéologique de France conclut que  » ce serait vers l’année 1695 qu’on aurait commencé à faire du vin blanc mousseux et que l’invention du procédé de cette fabrication doit être attribuée à Dom Pérignon « . Les éloges dithyrambiques pleuvent : «  un homme de génie  » – «  un bienfaiteur de l’humanité  » . Des rues Dom Pérignon «  l’inventeur du champagne  » sont inaugurées dans le nombreux villages champenois à la fin du XIXe siècle. Des statues sont érigées. Hautvillers se proclame «  berceau du champagne  » On organise des fêtes pour célébrer  » la mémoire de Dom Pérignon initiateur du champagne  »

Quelques rares voix discordantes s’élevèrent cependant. Roger Dion dans son Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXe siècle ( 1959 ) retire tout rôle à Dom Pérignon, mais ne propose aucune autre alternative. Plus prudents, les chroniqueurs gastronomiques Gault et Millau considèrent, en 1969, dans le Nouveau guide Julliard du champagne que «  la tendance des historiens du vin est de diminuer considérablement l’apport de ce moine désigné rétrospectivement comme le créateur du champagne. » – C’est François Bonal, ancien délégué aux relations publiques du Comité interprofessionnel du vin de champagne, qui anéantit la légende en 1995. Son argumentation est simple :  »aucun document n’indique que les vins de l’abbaye du Hautvillers moussaient au temps du procureur et aucun contemporain ne lui a reconnu la paternité d’une telle découverte. »

Mais Dom Pérignon n’est pas sans mérite. Rigoureux et bon gestionnaire, c’est d’abord un bâtisseur qui a rénové et agrandi les locaux de l’abbaye. Il a mis un soin tout particulier à cultiver un vignoble, passé de 10 hectares en 1663 à 24 hectares en 1712, avec des pratiques nouvelles et quantitatives. Et ce  » afin que la vigne produire un vin délicat  » écrit Frère Pierre, son élève et successeur. Sitôt la cueillette, il veille à un pressurage de grappes entières en séparant les jus obtenus, il met au point une vinification méticuleuse. C’est aussi un excellent commerçant qui vend sa production à des prix élevés, le double des autres vins les plus réputés, auprès d’une clientèle aristocratique.

Bon communiquant, il a su acquérir une certaine renommée de son vivant. Il meut le 24 septembre 1715. L’épitaphe, gravée en latin, sur sa tombe dans le chœur de l’église abbatiale de Hautvillers, ne retient pas, bien sûr, ces compétences vinicoles et viticoles : » ici gît Dom Pierre Pérignon, pendant quarante-sept ans cellérier dans le monastère, qui, après avoir administré les biens de notre communauté avec un soin digne de toute éloge, plein de vertus et en premier lieu d’un amour paternel envers les pauvres, décéda dans la 77e année de son âge, et repose en paix, Amen.  »

Si Dom Pérignon n’est pas l’inventeur du champagne, vers quel autre personnage faudrait-il se tourner ? Aucun nom n’est avancé par les historiens. Un anglais Edward Hyams a même été jusqu’à conclure :  » Le champagne s’est inventé lui-même !  » .

Il convient aussi d’évoquer l’invention culturelle et imaginaire du champagne. Le champagne entre dans les arts en 1735 avec sa représentation magnifiée dans le Déjeuner d’huîtres et Jean-François de Troy et le Déjeuner de jambon de Nicolas Lancret, peints pour Louis XV et destinés à la décoration des petits appartements au château de Versailles. De nombreux artistes, peintres, sculpteurs, musiciens, dessinateurs, ont souvent choisi le champagne dans leurs créations.

 » Le déjeuner d’huîtres  » Jean-François DE TROY
 » Déjeuner au jambon  » Nicolas LANCRET

Écrivains et poètes ont aussi introduit le champagne dans leurs œuvres. Partout dans le monde ce vin est synonyme de fête, de célébration, de fraternité, d’amour, de paix.  » Jean-Luc BARBIER ( Docteur d’État en droit, ancien secrétaire général puis directeur général du CIVC ( Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne), auteur d’ouvrages sur le vin de Champagne, professeur à la Faculté de droit et science politique à Reims, Président du conseil scientifique chez Mission coteaux maisons et caves de Champagne/Patrimoine mondial)

Le champagne est le seul vin que la femme peut boire sans s’enlaidir  »disait Madame la Marquise de POMPADOUR – Photo de Tim WALKER pour la campagne publicitaire de MOET & CHANDON avec en vedette Scarlett JOHANSSON

 » Ô Soleil, sois propice aux vendanges prochaines.

Roi de notre horizon, viens verser ta chaleur

Sur les pampres nouveaux, verdoyant dans les plaines,

Ô soleil, sois propice à la Champagne en fleur.

Car si tu nous manquais que deviendrait le monde,

Puissant philtre, sans ta pétillante gaîté ?…

Il n’est jamais, sans toi, de fête, ô liqueur blonde,

Sans le champagne point de toast ni de santé.

Que serait un festin sans la salve joyeuse

Des bouchons détonants hors des goulots dorés,

D’où la mousse jaillit, folle et capricieuse,

Mouillant les doigts parmi les rires effarés ?

Soit pour nous souvenir de quelque heure envolée,

Naissance ou mariage, ou fêter un succès ;

Pour envoiler d’oubli notre âme désolée,

N’est-ce pas toujours toi qu’il faut, cher vin français ?

L’on t’appelle d’un bout à l’autre de la terre,

Grâce à toi, notre nom est partout acclamé ;

Des neiges de Russie aux brouillards d’Angleterre,

De l’Inde à l’Amérique, il est partout aimé.

Jusque dans la débauche aux vulgaires ivresses,

En ces frivoles nuits dont on rougit au jour,

Ta magie encore prête aux vénales caresses

Un air de passion et des semblants d’amour.

Et même l’ennemi, pour boire à sa conquête

Et voir  monter l’esprit sous son crâne impuissant,

Doit tendre vers la France, ainsi qu’un pauvre quête,

Le verre dans lequel il a bu notre sang.

Gloire à toi, vin léger, vin doré, limpide

Qui réchauffe le cœur et met la flamme aux yeux,

Exalte le courage et rend l’homme intrépide,

Qui fait le pauvre riche et le triste joyeux.

Je te bois à la France, aux arts, aux républiques,

À la fraternité de tous, aux travailleurs,

À l’espoir, à l’amour, aux aïeux héroïques,

Aux luttes de l’esprit qui nous rendent meilleurs.

Ô Soleil, sois propice à la Champagne en fleur !  » Judith GAUTIER (Poétesse et Femme de Lettres française – Extrait de son recueil Les rites divins-Badinages-Pour la lyre)

Illustration publicitaire 1899 par Alphonse MUCHA

Laisser un commentaire

Tendances