
« Kandinsky a compris que la musique pouvait avoir sa vie propre, dégagée de toute obligation, et que la musique, art abstrait par nature, pouvait guider son travail. « Marie-Pauline MARTIN (Commissaire de l’expo, directrice du Musée de la Musique/Philharmonie de Paris)


Voilà une belle exposition que celle proposée par le Musée de la musique-Philharmonie de Paris en collaboration avec le Centre Pompidou ! Elle s’intitule KANDINSKY – La musique des couleurs (jusqu’au 1.2.2026) –soit environ 200 pièces réunissant : des tableaux, des livres, des partitions, des disques 78 tours, divers objets de son atelier, prêts de différents musées nationaux et internationaux, des œuvres capables de nous faire comprendre l’importance de la musique chez cet artiste. Des tableaux de certains autres peintres de ses amis font également partie de l’expo.
C’est une immersion musicale et picturale à laquelle nous entraine le Musée de la musique puisque un casque vous permet d’écouter des morceaux de musique appréciées par le peintre, tout en admirant, pendant votre parcours, les pièces qui sont présentées . J’en ai choisi quelques-uns parmi la liste que l’expo propose.
« La musique est une des oppositions les plus grandes à la nature. Elle a pris à la nature sa profondeur même, dissimulée sous la forme extérieure. Elle est l’âme résonnante de la nature. » V.K.
» Depuis des siècles, la musique est l’art qui utilise ses moyens non pour représenter les phénomènes de la nature, mais pour exprimer la vie spirituelle de l’artiste et créer une vie propre des sons musicaux » V.K
Mis à part celles qui sont restées en Russie après son départ en 1921, le Musée national d’art moderne/Centre Pompidou est l’une des trois institutions, avec le Lenbachhaus Museum de Munich et le R.Solomon Guggenheim Museum de New York, à détenir une grande partie des œuvres de Kandinsky.




On connait Kandinsky, chef de file de la peinture abstraite, pédagogue visionnaire voire même révolutionnaire, artiste engagé, théoricien de l’art, un meneur qui a toujours démontré une grande aptitude d’adaptation et de l’assurance dans ce qu’il entreprenait. Son œuvre a été profondément marquée par son âme russe. Du reste ses premiers tableaux sont issus du folklore, des paysages, et des contes de ce pays.
On peut dire que c’est lors de la découverte ( pour lui bouleversante ) de l’un des tableaux de la série Les Meules de Claude Monet, que Kandinsky va se tourner vers l’art abstrait. Cette vision » où les objets étaient discrédités comme éléments essentiels de la peinture va le convaincre de la possibilité d’une peintre sans objet avec une couleur qui rendrait le motif superflu.«
Mais peut être que l’on sait moins qu’il fut un mélomane doté d’une sensibilité quasi mystique et qu’il eut , avec la musique, un dialogue sans fin. Elle était imprégnée en lui. L’art musical a tenu une place prépondérante dans sa vie, dans son travail et , très probablement, que ce travail n’aurait pas été le même sans la musique. La musique reflétait des sentiments de manière parfois quasi immédiate et ne cherchait pas à représenter le monde extérieur.
Il a toujours pensé que la musique était la voie pour un renouveau de l’art, un art basé sur l’intériorité, le mystère, la spiritualité, la liberté et qu’elle donnait vie à une œuvre. Il a donné des noms s’y référant à ses œuvres, comme Improvisation (pour des œuvres » engagées » » l’expression d’évènements intérieurs » ) , Composition( pour des œuvres plus » élaborées » , Fugue, Impression Concert etc…Des intitulés qui sont, avant toute chose, un travail sur l’imagination où chaque couleur est une émotion personnelle.
« Le mot » composition » me paraissait toujours émouvant. Il agissait en moi comme une prière, et me remplissait de respect » V.K.
« Fondée sur cette harmonie, la composition est une construction de formes colorées et dessinées qui existent indépendamment en tant que telles, procédant de la nécessité intérieure et formant, par cette vie commune ainsi créée, un tout que l’on surnomme » tableau » » V.K





La couleur sera, pour ce peintre, l’équivalent du son en musique : » je vois la musique et j’entends les couleurs. Notre ouïe des couleurs est si précise. La couleur est le clavier, l’œil est le marteau, l’âme est le piano à plusieurs cordes. L’artiste est la main qui fait résolument vibrer l’âme au moyen de telles ou telles touches » – Chaque couleur a traduit un ressenti et fut associé à un instrument : jaune : joie (trompette) / Vert : sérénité (alto) / Rouge : force (tuba) / Violet : mélancolie (cor) / Bleu foncé : intensité (violoncelle) / Bleu clair : douceur (flûte)
Le premier grand bouleversement émotionnel musical qu’il a éprouvé se fera en 1896 lorsqu’il entend la musique de l’opéra Lohengrin de Wagner. Ce qu’il ressent alors lui fera comprendre que si l’âme pouvait être tant touchée par la musique, la peinture pouvait, elle aussi, amener à de tels sentiments.
» Je voyais mentalement toutes mes couleurs, elles étaient devant mes yeux. Des lignes sauvages presque folles, se dessinaient devant moi. Il m’apparut clairement que l’art en général possédait une beaucoup plus grande puissance que ce qui m’avait d’abord semblé. » V.K.
Wagner ne sera pas le seul compositeur qui va le bouleverser. En 1911, lors d’un concert, il rencontre Arnold Schoenberg à Munich. Il dit avoir un choc en l’écoutant : » vous avez réalisé dans vos œuvres, ce dont j’avais, dans une forme à vrai dire imprécise, un si grand désir en musique et que je recherche sous une forme picturale » lui dira t-il. L’atonisme de Schoenberg le confortera, en effet, dans la réflexion entre art pictural et musique qui était la sienne depuis l’âge de 15 ans. C’est au travers de ce compositeur qu’il développe encore plus sa compréhension du phénomène sonore.
Le compositeur, né à Vienne en 1874, est un autodidacte. Non seulement il compose, mais il peint également , des œuvres très » angoissées » , brutales, à l’image de sa musique. Il délaissera le pinceau et la palette vers 1912 pour ne se consacrer qu’à la musique.
Une grande amitié va naitre entre les deux hommes. Ils aspirent aux mêmes choses, échangeront non seulement des correspondances, mais leurs idées sur leur art réciproque. Ils ont la même conception de l’art à savoir empreinte d’expressivité et de spiritualité . Leurs carrières auront de grandes similitudes . Ils se reconnaissent chacun dans l’art de l’autre et s’admirent beaucoup. Ce lien va durer jusqu’en 1922/23. Ils se fâcheront après que Schoenberg déclinera l’offre que lui avait faite Kandinsky à savoir enseigner à l’école du Bauhaus, où était professeur lui même. Les raisons évoquées entraineront un désaccord entre eux et mettra un terme à leur relation si forte pourtant.
D’autres compositeurs et musiciens vont traverser l’univers, la vie, les choix musicaux de Kandinsky: Bach, Moussorgski, Berg, Eisler, Hartmann, et surtout Alexandre Scriabine.
Kandinsky est né en 1866 à Moscou dans une famille assez aisée où il recevra une excellente éducation. Il passera son enfance à Odessa. Ses parents ont divorcé et il a été élevé par son père et sa tante (une femme très cultivée) où l’art , la littérature et la musique tenaient une place importante. Lui-même a étudié, très jeune, la musique classique, le solfège et jouait du piano et du violoncelle. Il s’est très tôt intéressé à l’harmonie et le rythme, deux éléments musicaux auxquels il était très sensible.
Il fera des études de droit assez poussées et brillantes ( jusqu’en thèse ) à l’Université de sa ville natale, ainsi que des études scientifiques . En 1892 il épouse Ania Tchimiakina. Ce mariage n’est pas heureux et sera source de tourments pour lui . Il quitte sa femme en 1902 et divorce en 1911 . On lui proposera une chaire d’enseignement en 1895 qu’il déclinera pour se consacrer uniquement à sa peinture. Il entrera dans cet art pictural comme on entre dans les ordres.
Pour mieux apprendre sa future carrière de peintre, il se rend en Allemagne, à Munich. Il choisit cette ville parce que d’une part il parle allemand et d’autre part la ville était un centre artistique assez » tendance » à l’époque. Il va étudier de façon assez poussée : le dessin à l’école du peintre austro-hongrois Anton Azbe, puis à l’Académie des Beaux-Arts dans la classe du peintre allemand Franz Von Stuck .
C’est à Munich qu’il va créer , avec d’autres artistes munichois, l’association Phalanx, et rencontre Gabriele Münter qui sera sa compagne jusqu’en 1914. Une douzaine d’expositions du groupe seront organisées entre 1901 et 1903.
Par la suite, il voyagera beaucoup en Hollande, Italie, Espagne, et en Afrique du Nord, avant de s’installer pour un an à Paris. Sa carrière véritable commencera réellement lorsqu’il reviendra en Allemagne . Durant la première guerre mondiale, il se réfugiera en Suisse, puis retournera à Moscou où il s’installera jusqu’en 1921. Entre temps, en 1917, il a épousé Nina Andreivskaïa . Tous deux quitteront la Russie en 1921 pour l’Allemagne où Walter Gropius, directeur du Bauhaus à Weimar, lui propose un poste de professeur qu’il occupera pendant douze ans.
En 1933, ils arrivent à Paris. Il deviendra citoyen français en 1939, juste avant la deuxième guerre mondiale. Ils vivront à Neuilly-sur-seine. C’est là qu’il décède en 1944 . Il avait 78 ans.









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