
» Ce qui nous rassure du sommeil, c’est qu’on en sort, et qu’on en sort inchangé, puisqu’une interdiction bizarre nous empêche de rapporter avec nous l’exact résidu de nos songes. » Marguerite YOURCENAR
J’avoue que le sujet m’a étonné, mais il n’en demeure pas moins très intéressant. C’est une excellente idée que d’avoir voulu en faire une exposition, d’autant que le sommeil, et tout ce qui gravite autour (rêves, cauchemars, somnambulisme, hypnose, repos éternel, autres troubles nocturnes, sans oublier la chambre à coucher etc… ) a été une grande source d’inspiration pour les artistes, les peintres, les écrivains, les photographes, les neurologues, psychiatres, sociologues, historiens.
C’est un sujet quelque peu mystérieux, développé pour l’expo par Laura Bossi, neurologue et historienne des sciences, en collaboration avec Sylvie Carli, directrice des collections du Musée Marmottan-Monet. L’expo, sur un parcours thématique en différentes sections, s’intitule L’EMPIRE DU SOMMEIL ( jusqu’au 1er mars 2026). Elle couvre plus particulièrement la période allant de 1800 à 1920, au travers de nombreuses œuvres signées, entre autres noms nombreux : Morisot, Toulouse Lautrec, Corot, Redon, Bonnard, Ernst, Vallotton, Picasso, Hodler, Dali, Magritte, Rembrandt, Ingres, Delacroix, Munch, Rodin, Monet, Archer, Carolus Duran, Vouet, Il Gardelino etc….
« on sait maintenant que le sommeil n’est pas une absence de quelque chose, mais une activité essentielle à la santé, au bien-être et au bonheur. Pour autant , dans une société qui valorise l’action, il me semblait important de le mettre en scène Laura BOSSI
La science du sommeil est relativement récente puisque le premier encéphalogramme remonte à 1937 . Il a permis de savoir qu’il y avait cinq états du sommeils (de la veille au sommeil profond) . Vingt ans plus tard, des chercheurs américains découvraient une phase de sommeil spéciale , dans laquelle, semble t-il, les rêves sont plus abondants, et qui fut qualifiée plus tard par un français comme sommeil paradoxal. Dans les années 70 des cliniques spécialisées dans l’étude des troubles du sommeil feront leur apparition, et dans les années 80 les premiers traitements pour dormir verront le jour.
Les artistes s’y sont intéressés bien avant la science, bien avant ces dates. En effet, nombreux ont été les peintres qui ont représenté leurs proches au repos, endormis, en train de faire une petite sieste par exemple, ou ont abordé le thème du rêve.
« A propos du sommeil, le regard du peintre est complémentaire de celui de la psychanalyse qui tâche de saisir l’inconscient par la parole et le langage. Il est aussi complémentaire du travail de la médecine moderne qui enregistre tous les paramètres physiologiques qui lui sont liés. Ce sont des approches différentes mais essentielles pour comprendre cet état qui prend un tiers de notre vie. » Laura BOSSI
Il y a beaucoup à dire sur le sommeil. Il peut être agréable, reposant ou difficile, tourmenté . Depuis des siècles, cet abandon du corps n’a cessé de fasciner les scientifiques et les artistes. L’expo a pour but de donner à réfléchir sur les mécanismes du sommeil, l’ambiance qui gravite autour pour que ce sommeil nous porte à la rêverie ou au cauchemar. Elle s’intéresse aussi aux pratiques médicales et scientifiques qui ont permis, et permettent encore, de contrôler le sommeil.
Le sommeil occupe une grande place dans notre vie et il est nécessaire au bon fonctionnement de notre corps. Il peut aussi nous procurer du bonheur. D’un côté le bon sommeil peut entrainer notre imagination dans un univers d’une grande douceur poétique, et d’un autre côté les troubles du sommeils ouvrent une porte très sombre et dérangeante dont on a hâte de sortir.
De façon générale, on pense au sommeil comme un moment de repos, de sérénité, de quiétude, et si l’on remonte le temps, la bible, la religion, la mythologie ont beaucoup évoqué l’imaginaire du sommeil. Quant a la psychanalyse du XXe siècle elle va changer la vision que l’on pouvoir en avoir.






Il y a, comme je l’ai indiqué en début de post, différentes sections dans cette expo :
Une section consacrée à l’insomnie. Il est vrai que le stress de nos vies actuelles, le bruit d’un environnement urbain, les lumières vives des néons, les écrans, etc… favorisent l’insomnie. Voilà un sujet abordé par les écrivains et les peintres insomniaques eux-mêmes souvent, comme par exemple Munch qui en souffrait beaucoup, et peignait la nuit.
Une autre sur l’hypnose qui est apparue fin du XIXe à des fins thérapeutiques. L’hypnose est un état entre veille et sommeil dans lequel la personne peut en plonger une autre qui, du coup, n’a plus la maitrise de son corps.

Le somnambulisme, un état d’éveil inconscient durant le sommeil qui poussent celles et ceux qui en sont atteints, à déambuler, marcher, parler, tout en ayant l’esprit endormi. Cette personne n’a pas conscience de son état et ne s’en rappelle pas le lendemain .

La chambre à coucher ( du grec Kamara) qui est une pièce qui joue un rôle important dans la qualité du sommeil. Elle est censée représenter un un lieu intime, celui du repos, de la sexualité. Il faut y jouer la carte du cocooning au maximum et donc l’agencer au mieux pour y être bien. C’est un lieu qui nous est personnel et nous ressemble, dans lequel peu de personnes peuvent y entrer. Y introduire une lumière douce, des bougies parfumées. Elle se compose de différents meubles et objets dont un lit confortable, agrémenté de draps doux, , de couvertures, d’oreillers, d’édredons, bref de tout ce qui peut rendre le lit vraiment agréable et douillet pour bien dormir.





Le repos éternel est lui aussi représenté de façon assez émouvante notamment avec le tableau de Claude Monet, peint après le décès de son épouse Camille en 1879. Elle est enveloppée dans ses voiles de mariée. Ce ne fut pas facile pour lui de réaliser ce tableau pour des raisons que l’on peut comprendre. Mais le repos éternel de la mort n’est pas, de façon générale, un sujet facile à aborder pour d’autres artistes.


L’expo aborde aussi le sommeil de l’enfant, ainsi que celui évoqué dans la mythologie avec Eros et Psyché, Hypnos et Thanatos, Morphée, Jupiter et Antiope, Diane et Endymion, toutes ces fables antiques qui ont servi d’inspiration aux artistes . La question du sommeil a suscité un grand intérêt dès l’Antiquité, et dans la mythologie grecque on pensait que l’endormissement était déclenché par le dieu du Sommeil Hypnos qui venait éventer les mortels avec ses ailes, les toucher délicatement avec une branche de pavot. Lorsqu’ils étaient endormis, c’est Morphée, dieu des Songes, qui prenait le relais, les enlaçait en amenant les rêves, d’où la célèbre expression les bras de Morphée.


« Le sommeil de l’enfance s’achève en oubli. » Victor HUGO





Il est également fait référence au conte de Charles Perrault la Belle au bois dormant qui s’inspire d’un livre du XIVe siècle Le Perceforest dans lequel la Belle n’est pas réveillée par le baiser du prince, mais déflorée durant son sommeil. Perrault remaniera l’histoire pour qu’elle soit plus accessible au public et que l’on ne crie pas au scandale.
Bien sur le rêve et son interprétation ne sont pas oubliés. On dit des rêves qu’il sont les gardiens du sommeil et qu’ils consolident notre mémoire. Ils sont énigmatiques , assez fascinants et il arrive que l’on ne s’en souvienne pas au réveil.
» Certaines personnes dorment d’une traite. Elles rêvent forcément, mais n’en ont pas conscience. S’en souvenir, ne pas s’en souvenir, ce n’est pas la question. L’importance, c’est que cette réalité n’impacte pas l’individu et n’ait pas de retentissement négatif sur lui . La nature est bien faite ! Si l’on devait se souvenir de tout, notre disque dur interne saturerait. L’oubli du rêve est un nettoyage qui n’est pas malvenu. Médicalement, il n’y a aucun intérêt à s’en souvenir en tout cas. » Robin JOUAN (Psychiatre français, spécialiste du sommeil)
« Comprendre comment nous rêvons nous amène progressivement à découvrir pourquoi nous dormons et pourquoi nous rêvons. Cela peut avoir des implications thérapeutiques pour traiter les patients dont les rêves sont perturbés. Mieux comprendre comment le cerveau génère ces rêves , parfois si complexes, sans aucune influence extérieure pendant le sommeil, pourrait notamment apporter des informations précieuses sur les hallucinations dans certains troubles neurologiques. » Isabelle ARNULF (Neurologue, cheffe du service des pathologies du sommeil à l’hôpital Pitié Salpetrière de Paris)
De nombreux ouvrages le concernant sont évoqués avec La chef des songes de Artémidore au IIe siècle, un recueil très explicatif sur l’interprétation des rêves – Les rêves et les moyens de les diriger par Léon d’Hervey de Saint-Denis qui s’est consacré, de façon assez minutieuse, à l’étude du sommeil et du rêve et leur interprétation scientifique. – L’interprétation des rêves de Sigmund Freud publié en 1900. Selon lui, le rêve, son langage, ses images diverses et variées, permettent d’accéder à l’inconscient. Freud a beaucoup cherché à en saisir le sens pour accéder au psychisme de celle ou celui qui rêve. – Il y a aussi Carl Gustav Jung, disciple durant un temps de Freud, s’est intéressé au lien entre la psyché individuelle et l’inconscient, à la mythologie. Une approche plus tournée vers un côté mystique, poétique .
N’oublions pas les cauchemars, souvent menaçants, qui, il faut le rappeler, avant le Moyen-Âge étaient considérés comme une maladie. Par la suite on affirma qu’ils étaient en relation avec le diable ; au XIXe siècle qu’ils arrivaient à la suite d’histoires d’amour malheureuses. Puis, fin XIXe siècle, Freud est arrivé et nous a donné des explications scientifiques.
De nos jours on pense que les cauchemars sont des mauvais rêves qui sont le résultat de moments difficiles, stressants, voire même traumatisants , auxquels ont a du faire face au cours de notre journée, ou pour d’autres raisons plus profondes.







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