» Dors ; J’ai fermé la porte. Il est nuit ; le vent pleure.

Aux roseaux de l’étang, l’entends-tu pas gémir ?

Voyageur éternel sans foyer ni demeure

Dont la voix épouvante et nous glace à cette heure

Ou l’on songe aux marins perdus !… Il faut dormir

Mon petit ; il est tard. de l’église lointaine,

Neuf coups, dans le silence, ont chanté gravement.

Je te souris encore une fois, que la peine

Du jour qui va finir s’efface en ce moment.

Que mon regard soit doux comme ton regard même

Et pur ; et que demain, au réveil et toujours,

Mieux que tous les regards qui te diront « je t’aime »

Il te pénètre, enfant, de mon immense amour.

Que demain, que plus tard, au penchant de ta vie,

Quand, peut-être courbé sur les routes, un soir,

Ton cœur saura l’oubli des cœurs, il te convie

A venir près de moi qui t’attendrai t’asseoir.

Que si mes yeux alors, seulement dans ton âme

Brillent et s’ils sont clos, ô mon fils, pour jamais,

Tu dises : « Sois bénie entre toutes les femmes,

Pauvre femme au front lourd, ma mère qui m’aimais !  » André LAFON (Poète et romancier français Premier lauréat du Grand Prix de littérature de l’Académie française en 1912 – Extrait de son recueil Poèmes provinciaux/1908)

Berthe MORISOT
André LAFON 1993/1915 – « Vous êtes, mes poèmes, ces enfants peu vêtus du bord des routes, aux yeux de tristesse et d’étonnement. Il faut, pour vous entendre, se faire simple comme vous. Du moins, à ceux qui s’attarderont pour vous connaître, donner tout le charme des pleurs naïfs, des rires jeunes et des voix qui n’ont pas encore menti. » A.L.

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