Niki de Saint Phalle, plasticienne, peintre, sculptrice, réalisatrice de films, artiste engagée, est à l’honneur dans deux expositions en France : celle au Grand Palais, en collaboration avec le Musée d’art moderne Centre Pompidou, à l’occasion de la date anniversaire du visionnaire Karl Gunnar Pontus Hultén, historien de l’art, suédois, qui a été le premier directeur de ce centre durant 8 ans (1973/1981). C’est un homme qui a compté dans l’histoire de ce musée notamment pour les idées novatrices qu’il a eues et mises en place dans l’organisation des expositions, pour l’enrichissement des collections et également pour ce qu’il a entrepris afin de promouvoir au mieux la notoriété du Centre que ce soit en France ou à l’étranger.

Son nom est donc associé à Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle parce qu’il fut leur ami et qu’il a beaucoup œuvré pour l’installation de la célèbre fontaine en hommage à Stravinsky, qui fut l’une des pièces réalisées ensemble par les deux artistes.

Cette rétrospective au Grand Palais s’intitule Niki de Saint Phalle – Jean Tinguely – Pontus Hultén (jusqu’au 4 janvier 2026)

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Dans le cadre de mes  » expos d’été  » j’ai décidé de vous parler de la seconde, celle qui se tient au Centre d’art Caumont d’Aix-en-Provence, en collaboration étroite avec la petite-fille de l’artiste, Bloum Cardenas ,à savoir :

Niki de SAINT PHALLE – Le bestiaire magique (jusqu’au 5 octobre 2025) et ce tout en évoquant cette incroyable artiste, sa vie, et son parcours. Elle ce présente en un voyage initiatique sur deux étages, huit espaces : Il était une fois – Bêtes maudites et symboles rédempteurs – Who is the monster, You or Me ? – Last Night I had a dream -Un rêve plus long que la nuit – Les Nanas au pouvoir – L’arche de Noé – Êtres protecteurs.

Le Bestiaire a vu le jour au Moyen-Âge. Il s’agissait d’une sorte de recueil illustré par des animaux réels ou imaginaires représentés avec une personnalité et des sentiments humains. Chacun possédait une valeur symbolique.

Niki de SAINT PHALLE en 1983 / Photo Norman PARKINSON
A l’extérieur du musée :  » Le monde  » 1989 dont le socle en fer est l’œuvre de Jean Tinguely.

« La nature, les dragons, les monstres, les animaux de mon univers imaginaire me maintenaient en contact avec mes émotions d’enfant. En moi, l’enfant et l’artiste sont indissociables . Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme. C’était une façon de domestiquer ces dragons qui ont toujours surgi ans mon travail » Niki de SAINT PHALLE

 » Quand les hommes sont amoureux ce sont des animaux. Quand ils sont méchants ce sont des monstres. » Niki de SAINT PHALLE

( Toutes les pièces qui illustrent l’article et sont présentée à Aix-en-Provence, sont des prêts de la Niki Charitable Art Foundation et de la Fondation Gandur (pour «  Jackie  » & le  » Tyrannosaurus Rex »)

Niki de Saint Phalle, dont, je pense, tout le monde connait ses exubérantes, plantureuses, enrobées, colorées Nanas (certaines sont dans l’expo, accompagnées par des animaux) nous a laissé une œuvre très rigoureuse, un espèce de monde imaginaire dans lequel elle a tenu à ce que le public puisse, un jour, accéder dans des parcs, des jardins, des fontaines, etc..

J’ai choisi cette expo parce que c’est un thème qui n’avait jamais encore été abordé la concernant, celui de ses facétieuses sculptures d’animaux, issus d’un monde où se mêlent le réel et le surnaturel, des animaux qui semblent sortis tout droit d’un conte féérique. Le monde animal a toujours eu une grande influence sur elle, et comme dans un grand nombre de ses œuvres, ils correspondent à un vécu personnel, à ses tourments, ses rêves, ses cauchemars aussi.

Dans cet univers fantastique se retrouvent son héritage surréaliste, un monde de mythes, de symboles, et ces animaux qu’elle a tant appréciés : dragons, licornes, reptiles, oiseaux, dinosaures, serpents , araignée, oiseaux, crocodiles, licornes etc…. Niki de Saint Phalle a toujours rêvé d’un monde utopique qui ne soit pas uniquement dominé par l’homme mais qui soit une communion entre tous les êtres vivants.

Les animaux furent, pour elle, porteurs, d’une signification importante. Chacun d’entre eux ayant la sienne. Ce sont souvent des symboles de peur, de tourments, de sentiments liés à la mère, mais aussi le cycle de la vie, la liberté, la légèreté, la relation entre le ciel et la terre. Ils peuvent aussi bien être protecteurs que menaçants.

The Unicorn
L’oiseau de fer
L’arbre de la liberté
Tyrannosaurus Rex 
L’autruche
Le Grand chameau
Le Serpent
Nana sur le dauphin
Nana au serpent
Jackie

La reconnaissance de cette artiste ne fut pas immédiate. Tout simplement parce qu ‘au départ, on ne prenait pas au sérieux ce monde à part et étrange qui était le sien artistiquement parlant. Sa série Les Tirs vont lui permettre de changer les choses, et les Nanas lui apporteront le succès. Mais sa vraie grande reconnaissance viendra lors de la grande rétrospective qui sera organisée au Centre Pompidou en 1980. Là on comprendra vraiment l’étendue de l’imaginatif de cette merveilleuse artiste, son créatif et sa richesse. Peu de temps avant sa mort, elle recevra le Praemium imperiale à Tokyo qui est une sorte de Nobel de l’art.

Catherine Marie-Agnès de Saint Phalle surnommée Niki par sa maman, de Saint Phalle est née à Neuilly-sur-Seine en 1930, Neuilly. Elle quittera la France sept ans plus tard pour les Etats Unis. Elle gardera toute sa vie un esprit de révolte et de contestation contre les hypocrisies et les perversités familiales, religieuses, sociales. Cela étant dû au fait que son enfance sera marquée par un drame personnel et douloureux. Elle fut, en effet, victime d’un inceste à l’âge de 10 ans, par son père, un ultra catholique qui abusera sexuellement d’elle.

Ce drame fera d’elle une enfant perturbée, qui sera renvoyée, à diverses reprises, pour rébellion, des écoles et institutions dans lesquelles elle étudiait. Une adolescente tourmentée qui devra séjourner plusieurs fois dans un hôpital psychiatrique.

Elle exprimera, un jour, toute cette souffrance dans son œuvre Les Tirs :  » J’ai tiré sur papa, sur tous les hommes, les petits, les grands, les importants, les gros, la société, mon frère, l’église, ma mère, moi-même. Je tirais parce que cela me faisait plaisir et que cela me procurait une extraordinaire sensation. Je tirais parce que j’étais fascinée de voir ce tableau saigner et mourir. Je tirais pour vivre un moment magique, un moment de vérité scorpionique… la pureté blanche : victime … à vos marques , prêt … Feu ! Feu rouge, jaune, bleu, vert, la peinture pleure, la peinture est morte, j’ai tué la peinture … elle est ressuscitée … guerre sans victime.

A l’âge de 16 ans, elle devient mannequin, pose pour Vogue, Life Magazine, Harper’s. Deux ans plus tard, elle se marie pour échapper au carcan familial, épouse son ami d’enfance, un musicien : Harry Matthews dont elle aura deux enfants qui resteront à la garde de leur père lorsqu’ils divorceront. Ils s’installent à Paris, lui avec les enfants, elle seule dans un appartement.

C’est à cette période qu’elle s’essaye à la peinture à l’huile et à la gouache. Elle art qu’elle a réellement découvert lorsqu’elle fut internée à Nice pour dépression nerveuse aggravée. La peinture va représenter pour elle ce qu’elle appelle la vraie vie, celle qui l’aidera à s’en sortir et la poussera vers le sculpture.

De 1956 à 61 elle travaillera à ses Assemblages en bois, fer, carton : elle colle toutes sortes d’objets coupants, tranchants, perçants qui traduisent ce qu’elle ressent au plus profond d’elle-même et ce qu’il en ressort ce sont des monstres comme elle le dit. Un travail qui lui permettra d’explorer toute l’agressivité et la violence qu’elle éprouve envers son père, envers l’église, envers la religion, contre la vie aussi, une foie qu’elle trouve bien trop embourgeoisée.

En 1956 elle va faire une rencontre importante dans sa vie personnelle : Jean Tinguely, qui se révèlera être son grand amour, celui qui lui permettra d’aller à la découverte d’elle-même. Elle tombe sous le charme de cet artiste audacieux, intrépide, et réciproquement il est séduit par le monde intérieur de la jeune femme.

Niki et Jean

Tinguely est un sculpteur, plasticien suisse qui a fréquenté les Beaux Arts de Bâle en Suisse. Il n’ a pas été épargné par la vie : une enfance marquée, profondément, par un père alcoolique et brutal. Une adolescence traumatisée par les bombardements de la guerre. Ce passé douloureux va le rapprocher de Niki qui a vécu des drames elle aussi.

La rencontre entre Niki et Jean c’est d’abord une folle passion amoureuse, mais c’est aussi celle de deux personnalités foncièrement indépendantes qui vont collaborer ensemble à des œuvres communes , se conseilleront beaucoup, se soutiendront mutuellement dans leur travail. Lorsqu’elle se sépare du père de ses enfants en 1960, elle s’installera avec Jean, impasse Ronsin à Paris où ils partageront le même atelier. Ils divorceront de leurs conjoints respectifs et se marieront en 1970.

Il a fait partie du mouvement des Nouveaux réalistes, ces artistes qui se sont exprimés par l’art de l’assemblage et l’accumulation, s’attachant à une réalité nouvelle issue de la société urbaine de consommation. Ce mouvement a connu son heure de gloire entre 1960 et 1963. Il se dissoudra en 1970. Ceux qui en ont fait partie sont : Restany – Tinguely – César – Klein – Hains – Spoeri – Raysse -Rotello – Villégie et Niki de Saint phalle.

J’ai parlé des Nanas – Les femmes, la sexualité, la grossesse, le mariage, l’image de la mère, sont des thèmes qu’elle a souvent abordés. Ses nanas avec une petite tête et un gros corps sont pour elle l’éloge de la fécondité, mais aussi une critique de la condition de la femme dans la société au cours des années 60 :  » la tête ne sert à rien d’où le fait qu’elle est atrophiée. En revanche, le corps, lui sert à enfanter, à séduire, donc j’exagère les courbes. »

Ce sont des sculptures de femmes enrobées, qu’elle habille un peu comme des espèces de poupées. Malgré leur poids, elles semblent légères, dansantes. Une autre explication à cela à savoir que malgré de la lourdeur de l’existence, les soucis peuvent paraitre légers. Ces Nanas vont jouer un grand rôle car elles vont la réconcilier , peu à peu, avec la vie, avec la peinture, et avec sa propre féminité. Elles feront partie de sa production de 1964 à 1996.

Elle est morte à San Diego en mai 2002 des suites d’une insuffisance respiratoire chronique . Ce problème de santé avait commencé en 1993. Il est dû aux vapeurs toxiques du polyester qu’elle a inhalées au cours de sa carrière. C’est ce qui l’avait poussé à choisir de quitter la France pour un climat plus doux à San Diego.

Je ne terminerai pas sans vous parler de son Jardin des tarots, son œuvre testamentaire, un endroit créé en Toscane grâce à la famille d’une amie italienne. Ce parc a ouvert ses portes en 1998. Il va devenir, comme elle l’avouera la grande aventure de sa vie, un lieu où elle travaillera sans relâche, de façon quasi obsessionnelle, soutenue par Jean Tinguely, qui l’aidera, au départ, pour le travail des structures.

Il y a 22 sculptures faites en polyester, béton armé, mosaïques, miroirs, céramiques, verres de Murano. On peut les voir sans visite guidée car elle tenait absolument à ce que les visiteurs aient une libre interprétation de l’endroit et qu’il aillent dans le sens où ils ont envie de le faire. Sans obligation de suivi.

Last Night I have a dream
Purple Nana
Dragon rouge
Ganesh

4 réponses à « Expo d’été : Niki de SAINT PHALLE – Le bestiaire magique … »

  1. Avatar de Jean-Pierre Tondini
    Jean-Pierre Tondini

    Je suis très client (sans les moyens) de cette artiste qui maîtrise formes et couleurs parfaitement. Un enchantement à mes yeux. Merci Lisa.

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    1. Avatar de Lisa Pascaretti
      Lisa Pascaretti

      Et vous avez raison ! Il y a une grande richesse d’originalité et inventivité chez elle. C’est assez touchant la façon qu’elle a eu de transcrire toute sa rage, son mal être, mais aussi sa sensibilité au travers de ses œuvres assez spéciales qui, du reste, ne sont pas du goût de tout le monde. Le problème est qu’il faut savoir comprendre derrière chacune d’entre elles ! Merci Jean-Pierre ♥

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  2. L’année 2025 est son année ! De nombreuses expositions lui sont consacrees. Comme si sa rage correspondait aussi à l’air du temps !

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    1. Avatar de Lisa Pascaretti
      Lisa Pascaretti

      C’est fort possible vous avez raison Tatoune ! Merci pour cette réflexion tout à fait juste ♥🎨

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