

« Il n’est pas à la mode d’être à la mode, choisissez ce qui est le plus en harmonie avec votre personnalité. Le principal travail d’un créateur, pendant les heures où il ne créé pas, est précisément d’orner son cerveau comme on orne sa maison, et d’accumuler des richesses d’art empruntées aux musées ou à toutes les beautés de la nature. » Paul POIRET
» C’est en étudiant la sculpture ancienne au Louvre, que j’ai compris que le point d’appui du vêtement devrait résider dans les épaules, non dans la taille. Toutes mes robes flottent depuis ce point de soutien. Cela a été mon principe de base qui a opéré un retour de la mode vers l’Antiquité classique. Le tissu drape le corps dans un mouvement naturel. » Paul POIRET
» Je ne vous prêche pas l’économie, je ne vous parle que d’élégance ! » telle fut sa devise
Le Musée des Arts Décoratifs nous propose d’aller à la rencontre d’un merveilleux couturier et parfumeur , novateur, visionnaire, audacieux, inventif, créatif, un personnage haut en couleurs, précurseur de l’art déco, un redoutable entrepreneur, collectionneur avisé, déterminé, homme de marketing doué pour la communication, qui a eu énormément de succès de la Belle Époque aux Années folles, à savoir : Paul POIRET, dont le génie continue encore d’inspirer celles et ceux qui ont fait la mode après lui et qui continuent de la faire de nos jours, comme Dior, Gaultier, Schiaparelli , Galliano, Saint Laurent, Lacroix, etc …


Elsa Schiaparelli a éprouvé beaucoup d’admiration pour Paul Poiret qu’elle considérait comme son mentor. Il faut dire que c’est lui qui l’a aidé dans sa carrière car il trouvait qu’elle était douée. Cette disciple voyait en lui une sorte de Léonard de Vinci tant il avait des talents diversifiés.
L’expo s’intitule Paul POIRET – La mode est une fête ( jusqu’au 11.1.2026), un voyage chronologique et thématique mettant en lumière ce couturier très attentif aux demandes de ses clientes, qui a aimé l’art par dessus tout, les parfums, la danse (qui le fascinait, notamment la liberté du mouvement ) , le bateau, l’escrime, la gymnastique, la gastronomie (on lui doit un recueil à ce sujet : 107 recettes ou curiosités culinaires des meilleurs chefs) et la fête, au travers d’environ 550 pièces : vêtements, photos, publicités, arts décoratifs et accessoires.


Peut-être que son nom ne dira rien à certains d’entre vous, et pourtant Paul Poiret rayonna sur la mode et fut célèbre en France et à l’étranger, notamment aux Etats-Unis. C’est lui qui, le premier (avec Madeleine Vionnet) a simplifié et émanciper les silhouettes vestimentaires des femmes en abandonnant définitivement, dès 1906, le corset, les baleines , les dentelles et autres passementeries lourdes qui alourdissaient les robes .
« J’ai prouvé qu’un tissu qui tombait librement, sur un corps sans cuirasse, était le spectacle harmonieux par excellence.’ » P.P
Il a employé des tissus très légers, a introduit la taille haute, a su merveilleusement bien mélanger les couleurs vives en s’inspirant du style Directoire, du fauvisme, de l’orientalisme, du grec façon Isadora Duncan. Pour lui la mode allait bien au-delà du vêtement lui-même et englobait tout un art de vivre.





On lui doit également le principe des défilés que ce soit à Paris, mais aussi dans différentes villes de l’étranger, notamment les États-Unis où il se rend en 1913 et installe une filiale (Poiret Inc) quatre ans plus tard. La presse américaine le surnommera King of Fashion.
Il a eu une Maison de couture très florissante fréquentée par une riche clientèle. Surnommé le Magnifique, il fut réputé pour avoir été un personnage excessivement dépensier, menant grand train, un noctambule fêtard, avec une personnalité fantasque .
Ce grand amoureux de l’art s’est toujours entouré de nombreuses personnes créatives, de peintres notamment avec lesquels il a collaboré, comme par exemple Raoul Dufy ou André Derain , mais également de personnalités mondaines importantes dans différents domaines, comme les musiciens, les collectionneurs d’art, les mécènes. Il deviendra un grand collectionneur notamment pour des tableaux signés Kees Van Dongen, Raoul Dufy, Maurice de Vlaminck, et des sculptures de Constantin Brancusi et François Pompon entre autres.
« J’ai toujours aimé les peintre, je me sens de plain-pied avec eux. Il me semble que nous exerçons le même métier et que ce sont mes camarades de travail. » P.P.

J’ai parlé du peintre français Raoul Dufy. Poiret et lui ont entretenu une grande amitié et ils ont collaboré ensemble, avec la société de soierie lyonnaise Bianchini-Férier, entre 1910 et 1920, notamment sur des tissus, d’une grande modernité, peints à la gouache et l’aquarelle. Ce sont, en fait, des motifs créés par le peintre et qui sont transposés sur des tissus : « Grâce à Poiret et Bianchini-Férier, j’ai pu réaliser cette relation de l’art et de la décoration, et surtout montrer que la décoration et la peinture se désaltèrent à la même source. » R.D.
Ensemble ils ont créé un atelier d’impression de tissu, en 1910, appelé La petite usine » où le peintre travaillait sur ses motifs, gravait le bois , et étudiait les techniques qui permettaient les impressions.


Le titre de l’expo reprend le mot « fête » : il faut dire que cet homme a organisé des fêtes spectaculaires et mémorables , de véritables évènements à Paris, où la presse était conviée pour en faire l’écho. Chacun devait venir costumé selon le thème évoqué par Poiret. C’était une époque où l’on aimait se divertir et ces réunions festives étaient une occasion de se rencontrer et de communiquer.
En dehors de la mode, qui a tenu une grande place dans sa vie, Paul Poiret eut plusieurs casquettes qui lui valurent d’être comparé à un homme orchestre : écrivain (avec, notamment ses Mémoires dans lesquelles il parle, avec beaucoup de sincérité, de ses succès et de ses échecs) , comédien, peintre, gastronome et même musicien. Sans oublier qu’il a, d’une part, côtoyé le monde du cinéma en créant des costumes pour des films, et d’autre part, en travaillant pour les Ballets Russes de Serge de Diaghilev.
Il a également été le premier couturier-parfumeur, et le restera pendant près de dix ans à Paris. Cela a commencé ( pour m’amuser disait-il) avec la société Les parfums de Rosine (prénom de l’une de ses fille) en 1911. Son laboratoire et sa boutique de parfums se trouvaient au 39 rue du Colisée, et l’usine à Courbevoie. Ses flacons étaient vraiment des œuvres d’art, comme par exemple Arlequinade d’après un dessin de Marie Vassilieff, réalisé par le sculpteur, décorateur, verrier français Julien Viard.



Par ailleurs , Paul Poiret a ouvert, en avril 1911, une école, l’École Martine, pour des jeunes filles de condition modeste, sans formation artistique, mais ayant un réel talent pour la créativité. La décoration sera enseignée par l’épouse de Paul Sérusier, Marguerite. Leurs créations (mobilier, papiers-peints, poupées) sont exposées et vendues dans la boutique du Faubourg Saint-Honoré, dirigée par Mme Sérusier.

Paul Poiret est né en 1879 à Paris, non loin des Halles dans une famille de drapiers. Seul garçon dans une fratrie de cinq enfants. Il doit sa légendaire fantaisie à sa grand-mère, une femme très joyeuse, et son goût prononcé pour la lecture à sa mère Louise . Ces deux femmes ont beaucoup compté dans sa vie. Par contre, les relations avec son père Auguste furent très difficiles.
Il débute à 17 ans dans le monde de la mode en entrant chez Paul Doucet, un couturier très connu. Il y restera quatre ans. Après le service militaire, il rejoint la Maison Worth dirigée, à cette époque, par les deux fils du célèbre couturier. A la demande de Gaston, il créé des robes légères et souples. Une idée qui déplait fortement à l’autre fils Worth, Jean-Philippe.
Du coup, il préfère reprendre sa liberté et fonde sa propre Maison en 1903 rue Auber grâce à une conséquente aide financière de sa mère. Un mois plus tard, il était connu du tout Paris.
En 1905, il épouse une amie d’enfance Denise Boulet. Sa femme sera sa muse, son ambassadrice vestimentaire, n’hésitant pas à porter, avec beaucoup de grâce, les tenues les plus incroyables de son mari comme la première jupe-culotte ou les bottes en cuir bicolore qui vont scandaliser les américains. Ensemble ils font de nombreuses tournées promotionnelles, accompagnés de leurs mannequins comme en Russie, au Maroc, en Italie, en Angleterre, aux Etats-Unis. « Ma femme est l’inspiratrice de mes créations. Elle est l’expression de mon idéal féminin »‘
Ils divorceront après 33 ans de mariage, en 1938. Cinq enfants sont nés de cette union : Rosine, Perrine, Martine, Colin et Gaspard.




Ses dépenses excessives l’amèneront , après la première guerre mondiale, à traverser de grosses difficultés financières , lesquelles seront accentuées par la crise de 1929. Il sera contraint de vendre sa maison de couture et la quittera définitivement en 1929. Il se lancera alors dans la peinture, fera quelques expositions. Ses sujets sont des paysages, des portraits, des autoportraits et des natures-mortes.
Il quitte ensuite Paris en 1942 pour s’installer durant deux ans à Gouzon dans la Creuse où il ne manque pas de se faire remarquer. Dans cette région rurale et paysanne, il se promenait vêtu d’une robe de chambre type oriental et d’un turban, et comme il n’avait plus d’argent, il payait ses locations avec la vente de ses toiles.
» Paul Poiret, l’homme de ces fêtes inoubliables, qui dépensait par millions, est devenu clochard. Vêtu d’une vaste cape de gros drap qui lui restait de son époque glorieuse, il dormais sur les bancs des squares … » Georges SIMENON

Il rédigera, également, ses célèbres Mémoires en trois livres, et finira ruiné, quasi clochard, avant de mourir d’un infarctus à Paris en 1944. Il est enterré au Cimetière Montparnasse.








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