« Ce n’est pas des mots qu’il faut partir pour appréhender et découvrir le réel, c’est du réel même qu’il faut partir (Platon/Le Cratyle). Le réel est, non pas « la réalité », mais le lieu du non-dit. Ce qui naît souvent dans l’exercice de l’écriture poétique, c’est, tout à coup, comme une sommation de la parole dans la langue.
Avant que de nommer nous voici donc interpellés. Ce moment, Plotin (philosophe gréco-romain) le décrit dans les Ennéades lorsqu’il dit : « Je contemple, les lignes des corps comme émergentes, surgissent ». Dans l’écoute, cette sommation est le faire du poème, au sens de surgissement.
Je désigne en cela l’émergence : manifestation du réel énigmatique, dévoilement qui interroge (s’interroge, nous interroge) sans cesse, entretient (en ses multiples sens), enjoint incessamment de répondre, ébrase.

Le réel est énigmatique. Écrire pour moi poète est donc interroger l’énigme par les mots irriguant ma langue, éclairant son discours. L’interroger est donc écrire, élaborer l’énigme, et non le sens. Dans cette activité, ou par elle, atteindre peut-être à l’origine où questions et réponses en son éclosion se confondent. Paradoxale est alors la satisfaction par l’énigme donnée en un accord parfait de nature. C’est là le simple. L’énigme est en elle-même irréductible, alors que l’usage que l’on fait des mots ne l’est plus, dans la mesure où cet usage justement les a préalablement séparés de la parole, déracinés, rhétorisés, ou comme il est dit curieusement, ramenés au concret.


Ainsi que l’écrit magnifiquement Henri Meschonnic, « la poésie est le dire qui implique le plus de non-dit. Ce qui est tout autre chose que l’ambiguïté ». L’énigme en son dit n’est pas ambiguë. Elle est ce qui assume le discours (la poétique donc, et la littérature qui importe) dans le poème, mais ne lui cède en rien. Bien au contraire lui résiste.  » Pierre TORREILLES / Extrait de son livre Correspondances II)

Pierre TORREILLES 1921/2005 :  »  » Les hommes n’ont entre eux que les mots de leur langue, ce cri sur leur tissu de solitude. « P.T.


     
   

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