
» Peindre c’est d’abord aimer la vie. Quand vous peignez vous êtes face à vous-même, vous regardez beaucoup de choses de près, intensément, autrement. Vous êtes heureux. Regardez Van Gogh, à l’évidence, les seuls moments où il était complètement heureux étaient quand il peignait. Dans une biographie on ne peut montrer cela. Seuls les tableaux le montrent. Une partie d’un artiste reste invisible. Ce qui est visible de lui apparait dans ses tableaux. Je peins chaque jour, je travaille chaque jour depuis soixante-dix ans. À partir du moment où vous trichez par égard pour la beauté, vous savez que vous êtes un artiste. » » David HOCKNEY
» David Hockney a une capacité extraordinaire à nous mettre au-dessus, là où l’on est plus heureux. Je lui avais demandé pourquoi sa peinture nous rend heureux et il avait répondu : c’est parce que quand je peins, je suis heureux . Il enchante notre monde, nos émotions comme nos pensées. Il nous fait voir la nature et l’univers plus grands, plus lumineux, plus profonds aussi. Il nous fait nous découvrir « – Suzanne PAGÉ (Directrice artistique de la Fondation Vuitton)


Si vous avez envie de vous accorder une belle promenade picturale heureuse, optimiste, lumineuse, colorée, auréolée de sérénité, pleine de fraîcheur, et de, comme l’affirme l’artiste lui-même : « tout arrêter, suspendre le cours du temps, des jours, retenir le ciel avant qu’il ne bascule dans l’été, et rester ici dans un printemps qui ne finit jamais … J’espère que mon exposition rendra les gens optimistes, qu’elle leur fera oublier ce qu’il y a dans les journaux », eh bien je vous conseille de vous rendre à la Fondation Vuitton afin d’admirer la très belle et importante exposition qui se tient actuellement et jusqu’au 31 août 2025, à savoir : David HOCKNEY 25.
Une exposition mêlant tradition et modernité, réalisée en étroite collaboration avec Hockney lui-même et qui se présente en divers espaces soit onze galeries sur quatre étages . L’ensemble représente soixante-dix ans de carrière avec des toiles couvrant la période allant de 1955 à 1997 et d’autres portant sur les 25 dernières années de création de cet artiste.
Elle célèbre un génie créatif contemporain, prolifique, éclectique, curieux, impertinent, audacieux, surprenant, innovant, reconnaissable entre tous, un important maitre des nouvelles technologies, sachant parfaitement maitriser la couleurs, les nuances du temps qui passe et ce avec une palette vivante, épurée, expressive, exprimée avec des tourbillons de teintes vives. Excellent dessinateur au départ, il n’a eu cesse de se réinventer et depuis le début, il fascine la critique. Sa raison d’être c’est la peinture.
J’ai parlé des nouvelles technologies : en effet, c’est vers 1986 qu’il a décidé d’utiliser une photocopieuse couleur laser pour la mettre au service de sa peinture. Viendront, par la suite : le fax, l’ordinateur, la palette graphique, l’iPhone, l’iPad et la caméra haute résolution plus récemment.
» L’iPad est un outil formidable. On peut travailler très vite .C’est parfait pour saisir la nature qui change constamment. On peut procéder par couches, revenir en arrière, travailler sur les précédentes. C’est un outil qui a vraiment changé ma façon d’aborder la toile » D.H.
« C’est un génie car il ne fait jamais la même chose . On se sent petit ou immense devant son travail, c’est émouvant, très cinématographique, métaphysique » Florence CALAME-LEVERT (Conservatrice d’art moderne et contemporain)
Cette expo est la plus importante qu’il lui a été consacrée en France après la rétrospective du Centre Pompidou en 2017 , à laquelle il avait assisté une fois terminée, à la différence de celle-ci où il s’est complètement investi . C’ est le renouvellement du populaire David Hockney au cours de ces 25 dernières années (d’où le titre), et ce au travers d’environ 400 œuvres, réalisées en différentes techniques : crayon, fusain, encre, huile, acrylique, et le numérique, prêts de l’artiste et de sa Fondation, de collections particulières, et d’institutions muséales internationales.
On peut y voir des portraits de proches, des autoportraits, des paysages normands, des fleurs, le ciel, la nature, le cycle des saisons en Normandie, sans oublier ses célèbres piscines de Californie. Il y a également son dialogue influencé par les maîtres de la peinture comme Fran Angelico, Cézanne, Van Gogh, Munch, Blake, et fasciné par Matisse et Picasso ; sans oublier un espace transformé en galerie-atelier consacrée à trois arts qu’il affectionne tout particulièrement : la danse, la musique et l’opéra. David Hockney a, en effet, était décorateur, par le passé, notamment pour Turandot de Rossini et La Flûte enchantée de Mozart.
J’ai évoqué, ci-dessus, la musique : c’est, en effet, un grand mélomane. La musique classique l’accompagne depuis son adolescence.
Par ailleurs, il utilise la photographie depuis les années 70 sans pour autant se qualifier de photographe. C’est un médium qui lui plait beaucoup, celui du regard qui met en scène le monde qui l’entoure.


Il affirme que la photographie lui apporte beaucoup dans sa peinture et qu’elle a quelque peu changé sa façon de peindre. On peut dire qu’il se nourrit de la particularité de chacune. Il prend ses clichés avec son Polaroïd , et inspiré par le cubisme, il les retouche, les recompose, fait des assemblages, des photos-collages (joiners) explorant l’espace temps.
»En vérité, j’utilisais la photo pour me rafraîchir la mémoire. Puis, j’ai acheté un autre boîtier et j’ai décidé de me servir d’un grand angle. J’espérais saisir ainsi toute la surface de la pièce. Le résultat fut haïssable. L’œil humain ne capte jamais un panorama en un seul regard. Pour en obtenir une vision plus approfondie, j’ai commencé à prendre plusieurs clichés du même personnage, d’un même geste, puis je les ai juxtaposés pour ne former qu’une sorte de puzzle. Très vite, je me suis aperçu que ces collages dégageait une présence que nulle photographie n’aurait pu espérer transmettre. » D.H.

« Regardant les fleurs » Montage photo signé David HOCKNEY en 2022
Le portrait est un sujet que l’on retrouve beaucoup dans son œuvre. Il dit aimer les gens et ce qui est surtout intéressant chez eux à savoir : le visage car il dit tout !
Les premiers portraits sont arrivés lorsqu’il était étudiant à la Bradford School of Art. Il est intéressant de savoir que c’est un genre qui lui plait, mais uniquement les portraits de ses proches. Il a refusé d’en peindre d’autres comme par exemple celui de la reine Elisabeth II ( ou de son fils Charles d’ailleurs) qui lui avait été requis par Buckingham Palace. La raison évoquée comme je l’ai signalé ci-dessus : il ne peint que ceux ou celles qu’il connait très bien. De plus il avouera, parlant de » je me disais que c’était une figure vraiment majestueuse et c’était difficile de restituer la majesté qu’elle avait.






Hockney est né à Bradford en 1937 dans une famille de cinq enfants. Comme son père qui avait une grande passion pour l’art, il fera des études aux Beaux-Arts durant trois ans de 1953 à 1956, puis au Royal College of Art de Londres en 59 avant de recevoir un choc pictural venu de Picasso lors d’une exposition à la Tate Gallery en 1960. Ses professeurs louent son travail, il vend un premier tableau à 18 ans et expose déjà 5 ans plus tard.
Puis il décide de quitter Londres dans les années 60, Londres avec ses préjugés et interdictions de l’époque, Londres qu’il juge trop puritaine pour vivre son homosexualité librement, et s’en va pour la Californie où il s’installe en 1964.

Là étant, il délaisse le pinceau et la peinture à l’huile, et se tourne vers le rouleau et l’acrylique , puis sera, très vite, séduit par toutes les couleurs, la lumière de la Côte Ouest et par les piscines, un sujet qui sera l’un des plus importants pour lui dans les années 60 (la légende raconte qu’il lui aurait été suggéré par Andy Warhol) , l’exploration de la transparence, de la lumière qui réfléchit et pénètre sur l’eau, les éclaboussures des plongeurs, les variations de couleurs par rapport aux mouvements. Les piscines ont symbolisé aussi le luxe, la détente, les loisirs, bref le mode de vie californien Les tableaux réalisés sur ce sujet ont eu beaucoup de succès car ils étaient très audacieux, innovants, pertinents, intemporels, visionnaires .
« alors que nous survolions Los Angeles, je regardais en bas et je voyais partout des piscines bleues et j’ai réalisé qu’une piscine en Angleterre aurait été un luxe, alors qu’ici, à cause du climat, elles ne le sont pas » D.H.
» Dessiner la transparence, c’est quelque chose d’intéressant parce que visuellement c’est travailler sur un sujet qui n’est pas là , ou presque totalement absent. Au contraire d’un étang, la piscine réfléchit la lumière. Ces lignes ondoyantes que je peignais sur les piscines, on les voit vraiment à la surface de l’eau. » D.H.



En Californie il rencontrera, en 1966, Peter Schlesinger. Ce dernier était son élève à l’UCLA une très importante université de Los Angeles. Il a alors 28 ans et une bonne réputation dans son travail. Le jeune homme de 18 ans devient d’abord son élève, puis son amant. Ils vivront une histoire assez tumultueuse durant six ans jusqu’à leur rupture. Peter s’étant amouraché d’un autre homme pour lequel il a eu un coup de foudre. Il deviendra un céramiste connu.

Hockney vivra difficilement cette séparation, essaiera de renouer avec son compagnon, le suppliant même, mais rien n’y fera. Il ira à Paris, puis retrouvera l’Angleterre et plus précisément le Yorkshire où il se réinstalle en 1990.

En 2018, sur les conseils d’un galériste de ses amis, il part faire un petit voyage en Normandie. On lui avait vanté les paysages et la lumière de cette région française. Il tombe complètement sous le charme de la verdoyante nature, de la lumière changeante. Il décide de louer une maison. La seule qui lui plait ( Grande Cour ) est à vendre, il l’achète.
En 2019 il part donc vivre en Normandie, au Pays d’Auge, précisément à Beuvron-en-Auge, un charmant petit village très pittoresque, non loin de Cabourg. Là étant, il lit beaucoup, regarde passer les saisons. Il se promène , se documente beaucoup sur la région, visite la maison de Monet à Giverny.

Il se lance dans de nombreux portraits et autoportraits des personnes qui l’entourent, se passionne pour la nature évoluant au rythme des saisons un peu à la façon des impressionnistes. La palette est très lumineuse, en nuances de vert, de rose, de jaune, de violet, de ciels en dégradés de bleu, et des rouges fabuleux.
« Le printemps c’est le moment de la renaissance de la nature. Elle change tous les jours, c’est pour cela que j’ai décidé de dessiner l’arrivée du printemps en Normandie après l’avoir fait dans le Yorkshire. Parfois, la même vue, le même arbre : en hiver avec ses branches nues, au printemps, fleuri, avec ses premières feuilles, en été avec ses fruits, puis en automne quand les fruits et les fleurs tombent. Le temps qui passe c’est la vie. Et c’est ce que je peins. » D.H.



Dans ce coin qui l’émerveille chaque jour, il va rendre hommage à Claude Monet, en réalisant des tableaux , notamment des séries enthousiastes, avec différentes nouvelles technologies dont son iPad. Durant le confinement, il s’était déjà inspiré de Monet avec sa grande fresque de 90 mètres de long qui fut exposée au Musée de l’Orangerie –
Tout comme le maitre de Giverny, il se fascine pour son jardin et à82 ans il décide qu’il ne peindrait que des fleurs, celle du printemps , une saison dont il dit qu’elle est une réinvention.
« Le retour en Europe et le fait de s’être installé en Normandie ont changé son regard sur Monet. Il a un rapport encore plus fort avec lui. Il a retrouvé ici, après la lumière de la Californie, le passage des saisons qui est le terreau des impressionnistes. Il se nourrit maintenant de ce terreau, de ces ondées, de ces météores, ces lumières ont changé sa quête de peinture. La filiation est évidente, sa fascination pour capturer la nature, les phénomènes atmosphériques, les reflets de la lumière, et être dévolu à la nature et au spectacle des saisons. Il est aussi un héritier de Monet dans sa manière d’utiliser la touche. » Florence CALAME-LEVERT (Conservatrice d’art moderne et contemporain)





» Comme des idiots, nous avons perdu notre lien avec la nature alors même que nous en faisons pleinement partie. Tout cela se terminera un jour. Alors, quelles leçons saurons-nous en tirer? J’ai 83 ans, je vais mourir. On meurt parce qu’on naît. Les seules choses qui importent dans la vie, ce sont la nourriture et l’amour, dans cet ordre, et aussi notre petit chien Ruby. J’y crois sincèrement, et pour moi, la source de l’art se trouve dans l’amour. J’aime la vie. » Extrait d’une lettre envoyée en 2020 à son amie Ruth MACKENZIE (Directrice artistique du Châtelet)






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