» Prendre la parole, échanger avec le public je sais que j’aime le faire, quand je le peux, dans certains contextes, certaines salles ou répertoires. J’aime créer ce contact-là. A la place du public, cela me ferait plaisir. Evidemment, il y a le côté du rituel. C’est merveilleux quand cela fonctionne. Cela peut être la plus belle chose du monde quand il est habité. Un rituel qui est parfois vide de sens, c’est misérable tout simplement. Depuis que je suis adolescent, je me demande comment de temps en temps, on peut le bousculer voire complètement le faire imploser. J’ai fait pas mal d’expériences à ce niveau-là, beaucoup en musique de chambre. Dès qu’il y a une possibilité de créer un contact beaucoup plus direct avec le public, de démystifier le soliste qui arrive du haut de sa superbe dans sa bulle, c’est quelque chose que j’aime faire. C’est une espèce de sacerdoce la manière dont il fait son métier et c’est extraordinaire.

J’aime au concert sentir comme si la scène était une espèce de chez moi. Je m’installe, je reçois des gens comme s’ils étaient des invités. Pour partager un moment de musique. J’ai envie de leur dire à un moment pourquoi je joue ça, leur donner deux, trois clefs, il ne s’agit pas de faire un cours de master classe ou de didactique. Je sais que de l’autre côté, c’est très bien perçu aussi parce qu’il y a souvent un mur de glace, de verre entre la scène et le public. Un peu de prévention ou de peur dans les deux sens. Nous, ça s’appelle le trac, on connaît bien ça. Du public, il y a une grande révérence par rapport à la grande musique en disant, ‘je ne comprends pas, ce n’est pas pour moi’. Comme un langage ésotérique, c’est un peu la messe en latin. Moi, je n’officie pas en latin donc j’aime bien revenir au langage vulgaire au sens noble du terme. J’adore quand j’ouvre un bouquin d’un grand physicien qui arrive à me faire comprendre la théorie des corps : j’ai l’impression d’être plus intelligent. C’est la vulgarisation à son plus haut niveau. Dans la salle, il y a des gens qui sont mélomanes, qui ne savent pas lire la musique. Comment essayer de les faire rentrer dans la cuisine et leur faire percevoir des choses que nous, musiciens, vivons ?

On ne peut même pas parler du public, c’est un peu une masse informe. Nous n’avons que l’applaudimètre et s’ils crient ‘bravo’. C’est très pauvre par rapport à ce qui se passe en fait dans une salle. L’un peut s’ennuyer, s’endormir, l’autre être dans un état d’extase, simplement rêvasser, se détendre ou se couper de ses soucis de la réalité. Il y a tellement de manières d’apprécier un concert. Alors heureusement de temps en temps, quelqu’un sort du public et vient me voir. Pas pour me dire ‘vous êtes merveilleux, vous avez bien joué’ – cela fait toujours plaisir – mais pour me dire quelle expérience cette personne a faite ce soir là. On plonge un tout petit peu dans quelque chose qui est très intime et complètement mystérieux. Cela arrive rarement mais de temps en temps. Une lettre, un courrier. Quelqu’un qui exprime à tel concert ce qui s’est passé pour lui, ce qu’il a ressenti. J’aime avoir le retour. C’est en fait une aventure partagée, on est sur le même bateau. Le concert, c’est un moment complètement éphémère, que l’on vit ensemble. J’aime bien rencontrer les gens après le concert. » Frank BRALEY (Pianiste français)

Frank BRALEY

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