» Saint-Luc peignant la Vierge  » 1532 Ière version (Haarlem Frans Hals Museum)

 » Marteen Van Heemskerck est un artiste néerlandais majeur de son temps. Il fait partie de ces peintres, qui, à la suite de son aîné de trois ans, Jan Van Scorel, unirent les traditions nordiques de réalisme aux leçons de la Renaissance italienne.

Brossé juste avant le voyage de Van Heemskerck en Italie (1532/36) , où le peintre eut un contact direct avec l’art antique et les maîtres de la Renaissance, le tableau Saint Luc peignant la Vierge marquait le point d’orgue de la première phase d’une carrière glorieuse.

Lié à une pieuse légende orientale ayant fait de l’évangéliste Luc un peintre sur le vif d’icônes de Marie, le thème était apparu dans la peinture de chevalet au XVe siècle, associé, ou non, au taureau, attribut iconographique traditionnel du saint tiré de la vision du prophète Ézéquiel. La fortune du thème avait valu à l’évangéliste d’être choisi, ici et là, comme patron de corporations de peintres appelées les guildes de Saint-Luc.

C’est à la suite de sa réception à celle d’Haarlem, en 1530, que Van Heemskerck peignit le tableau destiné à orner la chapelle de la guide dans l’église Saint-Bavon. En fournissant un prétexte pour magnifier leur métier et leur rang dans des compositions évoquant les Vierges aux donateurs, le motif allait rester en vogue jusqu’au début du XVIIe siècle.

L’ange, porteur d’un flambeau, plonge la scène dans une ambiance nocturne propice au rêve et jusque-là inédite dans les illustrations du thème. Sous les traits d’une exquise jeune femme, la Vierge, revêtue d’un manteau bariolé éloigné d’une vêture habituellement plus discrète, porte l’Enfant Jésus, évoquant davantage, malgré son globe de Sauveur du monde, un jeune Hercule fougueux.

Déjà traditionnelle dans la peinture nordique, une nature en trompe-l’œil (bas du tableau à gauche) virtuose sous forme de cartel manuscrit, rappelle, en néerlandais, les circonstances de la création de l’œuvre en nous livrant la date de son achèvement , le 23 mai 1532.

En arrière mais avec des traits définis, l’homme providentiel guidant le pinceau de Saint-Luc, cacherait un autoportrait de Maarten Van Heemskerck, proclamant, dans cette allégorie des pouvoirs de la peinture, l’humaine puissance créatrice.

Affublée d’un bonnet phrygien, évoquant un Roi Mage, la tête de Saint-luc d’un caractère quasi trivial, a été rapprochée de celle du père de Van Heemskerck, connu par un portrait . Le siège, à l’antique de Luc qui, avant de suivre Saint-Paul au Ier siècle, passait pour avoir exercé la médecine à Antioche, est orné d’un relief évoquant, non pas le taureau de l’évangéliste, mais celui de l’enlèvement de la déesse Europe par Zeus, caché en animal )la mythologie s’est invitée dans le tableau).

Si l’œuvre échappa aux crises politiques et religieuses iconoclastes qui touchèrent durement Haarlem dans la seconde moitié du XVIe siècle, il fallut néanmoins attendre la restauration récente pour comprendre que le tableau se présentait, à l’origine, sous la forme d’un diptyque réuni en panneaux à la fin du XVIe siècle. Vers 1550/52, Van Heemskerck réalisa pour la guilde de Delft une seconde version de Saint-Luc peignant la Vierge qui se trouve au Musée de Rennes.

La peinture de la première version, ivre de ses moyens d’illusions, non sans une certaine insolence, laissait ainsi la place à une peinture de devoirs. » Hervé GRANDSART (Diplômé en droit et en histoire de l’art, documentaliste français, conseillé en films historiques, éditeur et commissaire d’exposition.)

 » Saint-Luc peignant la Vierge  » 1550/52 2e version / Musée de Rennes

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