«  Fleur d’orage et fleur d’oranger,
J’ai peur de la nuit, j’ai peur du danger.
Fleur d’oranger et fleur d’orage,
J’ai peur de la nuit et du mariage.
Fleur d’orage et fleur d’oranger,
Fleur d’orage
 » … Robert DESNOS ( Extrait de son recueil Chantefleurs/1952)

« Les fleurs d’oranger, à cause de leur odeur agréable préférée à celle des roses, de l’ambre et du musc, sont fortes en usage parmi nous, soit dans les parfums, soit dans les assaisonnements. » Stanis PEREZ (Écrivain français , coordinateur à la Maison des Sciences de l’homme à Paris, professeur – Extrait de son ouvrage L’eau de fleur d’oranger à la Cour de Louis XIV )

Le bigaradier (citrus aurantium) est une espèce hybride entre mandarinier (citrus maxima) et pamplemoussier (citrus reticulata) qui produit des oranges amères utilisées notamment pour la confection de délicieuses confitures , à la différence de l’oranger (citrus sinensis) que nous connaissons pour ces fruits sucrés à consommer tels quels . Il fait partie de la famille des Rutacées. Il est né en Inde, puis s’est dirigé vers la Perse, le Moyen-Orient, la Sicile et on le trouve désormais dans tout le bassin méditerranéen où il est arrivé à l’époque des Croisades.

Les fleurs de bigaradier (récoltées à la main, à l’aube ) sont très odorantes. L’hydrodistillation (à la vapeur d’eau) produit l’huile essentielle que l’on connait sous le nom de Néroli. L’eau que l’on obtient de la vapeur de cuisson dont je viens de parler, est ce que l’on appelle l’eau de fleur d’oranger connue pour ses vertus apaisantes et calmantes soulageant les troubles du sommeil notamment et la nervosité, se révèle être un bon anti-inflammatoire aussi (un vieux dicton affirme qu’une moitié d’orange amère vidée, placée sur le talon du pied, calmerait beaucoup les douleurs) . L’huile essentielle traite aussi les problèmes de peau (vergetures, démangeaisons) –

 Une tonne de fleurs de bigaradier produit 1kg de néroli et 600 litres d’eau de fleur d’oranger. L’essence de petit grain qui, elle, vient de la distillation des feuilles avec les fleurs, donne un parfum plutôt citronné, végétal, et convient bien pour la création des eaux de Cologne ou les eaux de toilette masculines .

L’eau de fleur d’oranger est très souvent utilisée en confiserie, en cuisine, pour aromatiser les gâteaux, les beignets de Carnaval etc..( les pays orientaux l’utilise énormément en pâtisserie), ainsi que les salades.

 » La brioche  » de Jean-Siméon CHARDIN (1763) – Elle est coiffée d’une branche de fleur d’oranger, un parfum qui, très certainement, fait partie de la recette.

La subtilité du parfum de l‘essence de néroli (huile essentielle ) est très appréciée en parfumerie. On l’utilise souvent en note de tête dans les eaux de toilette. Citons par exemple : Classique de Jean-Paul Gaultier / La vie est belle de Lancôme / Aura de Thierry Mugler / Gabrielle de Chanel / Ysatis de Givenchy / Aqua Allegoria de Guerlain / La fille de l’air de Courrèges/ Mi Fa de Réminiscence / L’heure bleue de Guerlain / Infusion de fleur d’oranger de Prada / Bouquet de la mariée de Guerlain .

L’essence de néroli doit son nom à une princesse italienne, Marie-Anne de La Trémoille, princesse des Ursins. Premier mariage à 17 ans avec Blaise de Talleyrand-Chalais. Restée veuve, elle épouse en secondes noces, Flavio Orsini, duc de Bracciano, de 22 ans son aîné, qui vivait à Nérola près de Rome au XVIIe siècle . Elle voua une passion pour la fleur d’oranger, l’utilisait dans son bain, en parfumait ses vêtements, et mit son parfum à la mode. C’est elle qui donnera le nom de Néroli à ce parfum cher à son cœur.

Comme un grand nombre de fleurs, celle de l’oranger a sa légende : le jour de leur mariage, Zeus et Jupiter offrirent des fleurs d’oranger à leurs futures épouses Héra pour le premier et Junon pour le second. Un rituel qui s’est poursuivi pour cette fleur dans les couronnes posées délicatement dans la chevelure des jeunes mariées, couronne qui était ensuite placée sous verre et que l’on conservait toute sa vie.) . C’était un signe de sa candeur qui, du coup, en a fait un symbole de virginité, chasteté, pureté et fécondité, d’où le fait qu’elle apparaît quelquefois dans des tableaux de la vierge Marie. Par contre, il ne fallait absolument pas la mettre sur la tête d’une jeune fille célibataire, car sinon elle ne trouvait plus chaussure à son pied.

Le roi Louis XIV a voué une véritable passion à l’art des parfums. Il y en avait qu’un seul qui ne lui donnait pas de migraines insupportables et qu’il utilisait donc pour son usage personnel (non sur la peau ou les vêtements, mais sur les mouchoirs et les gants ) ainsi que pour parfumer ses appartements : c’était l’eau de fleur d’oranger qu’il trouvait fraîche et élégante. L’oranger fut un arbre qui eut une grande importance pour lui et qui était, d’ailleurs, associé au raffinement à la Cour de France. L’Orangerie de Versailles comptait de nombreux arbres venus d’Italie, Portugal, Espagne.

La fleur d’oranger, et surtout sa fragrance subtile, se retrouve citée dans de nombreux textes de la littérature, de la poésie. La peinture ne sera pas en reste.

 » Toute l’assistance se retourna avec un long frou-frou de jupes et un remuement de chaises. Et la jeune femme apparut, au bras de son père dans la vive lumière du portail. Elle avait toujours l’air d’un joujou, d’un délicieux joujou blanc coiffé de fleurs d’oranger ... » Guy DE MAUPASSANT ( Extrait de son roman Bel Ami/1885)

 » La fleur d’oranger  » Kevin SLOANE

« J’ai voulu, cette année, respirer de la fleur d’oranger et je suis parti pour le Midi, à l’heure où tout le monde en revient. J’ai franchi Monaco, la ville des pèlerins, rivale de la Mecque et de Jérusalem, sans laisser d’or dans la poche d’autrui; et j’ai gravi la haute montagne sous un plafond de citronniers, d’orangers et d’oliviers. »Guy de MAUPASSANT (Extrait de Contes divers/En voyage)

 » Parfum de fleur d’oranger  » par Benito ESPINOS

 » Du palais d’émeraude où la riche nature
M’a fait naître et régner avec que majesté,
Je viens pour adorer la divine beauté
Dont le soleil n’est rien qu’une faible peinture.

Si je n’ai point l’éclat ni les vives couleurs
Qui font l’orgueil des autres fleurs,
Par mes odeurs je suis plus accomplie,
Et par ma pureté plus digne de Julie.
Je ne suis point sujette au fragile destin
De ces belles infortunées,
Qui meurent dès qu’elles sont nées,
Et de qui les appas ne durent qu’un matin ;

Mon sort est plus heureux, et le ciel favorable
Conserve ma fraîcheur et la rend plus durable.
Ainsi, charmant objet, rare présent des cieux,
Pour mériter l’honneur de plaire à vos beaux yeux,
J’ai la pompe de ma naissance,
Je suis en bonne odeur en tout temps, en tous lieux ;
Mes beautés ont de la constance,
Et ma pure blancheur marque mon innocence.
J’ose donc me vanter, en vous offrant mes vœux,
De vous faire moi seule une riche couronne,
Bien plus digne de vos cheveux
Que les plus belles fleurs que Zéphire vous donne :
Mais, si vous m’accusez de trop d’ambition,
Et d’aspirer plus haut que je ne devrais faire,
Condamnez ma présomption,
Et me traitez en téméraire ;
Punissez, j’y consens, mon superbe dessein
Par une sévère défense
De m’élever plus haut que jusqu’à votre sein ;
Et ma punition sera ma récompense.
 » Pierre CORNEILLE ( Dramaturge et poète français / « La fleur d’orange » fait partie de son recueil Poésies diverses)

Tableau José ESCOFET

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