» Tant qu’il y aura des fenêtres, l’être humain , le plus humble de la terre, aura sa part de liberté. » Amélie NOTHOM (Romancière belge d’expression française)

» Célébrée, cette ouverture sur le monde extérieur a, de tout temps, servi l’imagination des peintres, des écrivains, des cinéastes. Séparément, mais tous ensemble, nous avons renoué avec la poésie de la fenêtre. En l’ouvrant, on fomente une évasion. Sans sortir de chez soi, on fait du regard un saut vers l’extérieur.
La fenêtre nous promet autant d’évasions que d’extraordinaires évasions. Bien sur, la plupart du temps, les fenêtres ouvrent sur l’ordinaire. Contrairement aux hublots des navires, elles n’offrent au mieux que les saisons, la lumière du jour ou le paysage accidenté des heures comme l’a écrit Marcel Proust à la fenêtre de l’hôtel de Balbec.
Les peintres nous entrainent dans une spirale mélancolique de femmes à la fenêtre. Caspar David Friedrich trace une silhouette en contre-jour, absorbée dans la contemplation de l’horizon. Au sud, le bleu de la méditerranée inonde une Jeune fille à la fenêtre de Salvador Dali, dont la robe et les songes se confondent entre ciel et mer. A l’ouest, Edward Hopper peint une femme fatiguée dans le pâle éclat d’un Morning light crépusculaire.



Dans ses Fenêtres sur le monde, Raymond Bozier décrit ainsi les modèles du peintre américain Hopper : » Un vent amoureux, profitant d’une ouverture juste avant qu’elles ne se couchent ou ne s’enfoncent dans le sommeil, s’enroule dans un rideau comme pour leur rappeler que ce n’est pas le temps qui passe à travers les fenêtres obscures. »
A la fenêtre on observe le monde autant qu’on s’offre à son regard. F in 1857, Flaubert décrit Madame Bovary à la fenêtre, car la fenêtre en province, remplace les théâtres et la promenade. » Dix ans plus tard, Le Balcon de Manet n’est-il pas lui aussi une scène de boulevard ? Dans le rôle du bellâtre le peintre Antoine Guillemet, au premier plan la violoniste Fanny Claus en colombe innocente, et Berthe Morisot en beauté indifférente. Quant au spectateur, il se trouve face aux personnages, suspendu dans les airs, comme au balcon d’un théâtre !

Dans Éloge de la dialectique, Magritte peint la façade d’un immeuble et une fenêtre qui s’ouvre non pas sur un intérieur mais sur la vision vertigineuse d’un extérieur et d’une autre façade.

Depuis quelques décennies, le monde entre plus volontiers dans nos chambres par les windows de nos ordinateurs ouvertes. Les puissants de font rares aux balcons. Aux fenêtres les grands de ce monde préfèrent les baies vitrées. Ils ne regardent plus la cité dans haut. Ils la dominent, invisibles, depuis les sommets climatisés des gratte-ciels. La nouvelle chambre avec vue permet de voir sans être vu, à l’abri d’immenses vitres scellées, étanches à la rumeur des villes. La lutte contre la Covid-19 a t-elle signé durablement le retour en force de nos humbles fenêtres, lucarnes et oeils-de-bœuf ?
Du regard on parcourt l’heureux travelling de René Char, le long des fenêtres et lampion du 14 juillet, en reprenant cette rengaine parisienne : » Ils habitaient le même faubourg, la même rue, la même cour. Il lui lançait des sourires, elle l’aimait sans lui dire. Mais un jour qu’un baiser les unit, dans le ciel elle crut lire comme un espoir infini. » Adrien GONBEAUD (Écrivain et journaliste français)






Laisser un commentaire