Plumes pointes palettes et partitions

 » Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. » Explication du surréalisme par André BRETON (Poète et écrivain français) extraite de son Manifeste du surréalisme en 1924 (un second sera rédigé en 1929) -Breton a fondé avec Aragon et Soupault la revue Littérature, dans laquelle il publiera un premier texte surréaliste Les champs magnétiques. Son Manifeste sera publié en 1924 et donnera une vision nouvelle de la poésie et une explication théorique du surréalisme.

Cette année 2024 aura célébré deux beaux anniversaires, celui de l’impressionnisme (150 ans ) , et du 4 septembre jusqu’au 13 janvier 2025 celui des 100 ans du mouvement surréaliste, qui touche de nombreux domaines artistiques, au travers d’une très originale, mouvementée, vaste, riche, colorée, décalée et exceptionnelle exposition proposée par le Centre Pompidou (avant sa fermeture pour d’importants travaux de rénovation) et qui s’intitule tout simplement SURRÉALISME.

Il y a eu et il y aura (dans les mois à venir) des expos un peu partout dans le monde : Bruxelles, Madrid, Hambourg, Philadelphie . Celle de Paris est centrée surtout sur le Manifeste de André Breton, paru le 15.10.1924.

Ce nom  » surréalisme  » n’a pas été évoqué au hasard par ceux qui ont créé le mouvement . Il est un hommage au poète et écrivain français Guillaume Apollinaire.  » En hommage à Guillaume Apollinaire qui venait de mourir. Soupault et moi, nous désignâmes par Surréalisme, le nouveau mode d’expression pure que nous tenions à notre disposition (André Breton dans son Manifeste)

Apollinaire avait d’abord écrit sur-réalisme , en deux mots, dans une préface d’un programme de ballet (Parade) en 1917 pour parler du lien qu’il y avait entre le décor et les costumes réalisés par Picasso et la chorégraphie de Léonide Massine. Pour lui il s’agissait là d’une sorte de sur-réalisme.

Le surréalisme est un mouvement révolutionnaire, contemporain, prônant la liberté la plus totale. Il est né au milieu du XXe siècle et fera de nombreux et célèbres adeptes autour de André Breton à savoir notamment : Louis Aragon – Philippe Soupault -Joan Miro – Max Ernst – André Masson- Salvador Dali – Yves Tanguy – Hans Arp – Frida Khalo – Paul Klee – René Magritte- Tatsuo Ikeda – Giorgio di Chirico- Helen Lundeberg – Leonora Carrington – Ithell Colquhoum – Remedios Varo – Doro Maar – Dorothea Tanning – ..Pour tous, l’amour et la poésie sont deux choses à même de pouvoir changer et transformer la vie, voire le monde !

Ce ne sont que certains noms car il y en a eu beaucoup d’autres intéressés par ce mouvement qui s’étendra à l’international, d’autres qui seront présents jusqu’au bout ou là pour un laps de temps déterminé. Chacun d’entre eux donnera sa vision personnelle onirique ou abstraite, avec une ligne commune esthétique ou philosophique. En effet, le surréalisme n’est pas le même selon le pays où il évoluera.

Malheureusement, comme c’est le cas dans de nombreux mouvements, des tensions apparaitront quelques années après sa création, à cause du caractère bien trempé, prétentieux, intransigeant, ferme dans ses jugements, exigeant, refusant tout compromis, autoritaire, despotique de Breton , et ce même s’il apparaissait comme une personne attachante, fascinante, dotée de pas mal d’humour (noir) , Du coup, certains membres vont préférer s’en éloigner, tandis que d’autres seront carrément excommuniés par le chef comme : Giacometti, Masson, Leiris) , lequel fera même éditer une circulaire demandant à tous les membres de bien vouloir choisir très vite entre rester ,accepter les règles ou bien partir.

Ces tensions et discordes, qui avaient débuté en 1920, vont considérablement s’accroitre dix ans plus tard parce que Breton souhaitera orienter son mouvement vers la politique, notamment le communisme auquel il avait adhéré en 1927 , ce qui ne plaira pas à tout le monde. Il va rompre les liens avec ce parti en 1935..

Vous pourrez retrouver les noms des artistes susnommés en parcourant cette très intéressante exposition, présentée sous la forme d’un labyrinthe à la fois thématique et chronologique, en quatorze espaces, réunissant dessins, sculptures, poésies, peintures, photos, documents littéraires. Le centre principal de ce parcours (dans une immense salle circulaire) est, bien sur, le manuscrit original du fameux Manifeste du surréalisme rédigé par André Breton, et qui a été exceptionnellement prêté par la Bibliothèque nationale de France.

Inutile de dire combien c’est une expo importante dans le sens où elle fête un mouvement qui a duré plus de 40 ans et qui, comme l’explique fort bien la co-commissaire et historienne de l’art Marie Sarré :  » fut un mouvement très dense, riche, qui a rendu compte des nombreuses activités poétiques, littéraires, stylistiques, politiques . Nous souhaitons montrer au public, et surtout à une nouvelle génération, la réalité de ce mouvent avant-gardiste, extrêmement international, globalisé, politique, très féminisé et d’une longévité extraordinaire. »

Le surréalisme est tourné vers l’imaginaire, l’irrationnel, l’inconscient, la force spirituelle, l’étrange, le rêve, le délire, l’érotisme, le désir, l’humour aussi parfois, les personnages hybrides venus de la mythologie. Il se refuse à toute contrainte, a trouvé sa source dans le mouvement Dada , a énormément emprunté à la psychanalyse de Freud, a exploré la créativité primitive de l’art naïf, l’écriture automatique dite écriture psychique (dictée de la pensée), qui permet de donner la clé qui est capable d’ouvrir indéfiniment la boite à multiple fond qui s’appelle l’homme.

De nombreuses figures littéraires ont inspiré aussi le mouvement (notamment Sade, Lewis Carroll, Lautrèamont …) et la poésie a tenu un grand rôle. L’expo a tenu à mettre en avant cette dimension et, pour ce faire, des comédiens et comédiennes lisent des textes d’écrivains et poètes surréalistes. La liste est longue pour ces derniers, en voici quelques-uns(es) : Apollinaire, Aragon, Breton, Char, Desnos, Éluard, Césaire, Jaguer, Gracq, Soupault, Rahon, Deharme,Fini etc etc…

Les œuvres de ce mouvement très libérateur, sont assez inattendues et ne sont pas liées les unes aux autres. Chaque artiste s’est laissé guider par le hasard et son approche plastique et iconographique personnelle. Il met en évidence non son point de vue intellectuel, ni même sa réflexion intellectuelle, mais plutôt ce que son inconscient lui propose. Les thèmes par contre sont toujours les mêmes comme indiqué ci-dessus : rêve, extraordinaire, imagination etc….

De plus, il est intéressant de noter que beaucoup de femmes ont été membres du mouvement surréaliste. Indépendantes, elles ne se sont pas contentées d’un rôle de muse ou compagne (même si, pour certaines, c’est par ce biais qu’elles y sont entrées) , mais se sont imposées par leur formation artistique et leur talent. Même celles qui ont quitté le groupe, ont continué à prolonger leur  » esprit surréaliste  » dans leur art.

André Breton, poète, écrivain et grand collectionneur est né en 1896 à Paris. Il est issu d’un milieu assez bourgeois et catholique. Il poursuivra des études de médecine pour faire plaisir à ses parents, et en 1914, encore adolescent il se prendra de passion pour la littérature, mais surtout et plus particulièrement la poésie , au départ, celle de Mallarmé, puis les années passant il succombera à celle de Apollinaire qu’il rencontrera en 1916 .

La poésie va l’absorber entièrement et il rédigera un premier recueil en 1919. Ses textes seront remarqués par le poète éditeur français Jean Royère qui les publiera dans sa revue La Phalange. Breton a beaucoup écrit au cours de sa vie, des œuvres majeures qui ont eu un gros impact sur le mouvement qu’il a fondé.

Il a été marié trois fois : de 1921 à 1931 avec Simone Khan, puis en 1934 avec Jacqueline Lamba qui lui donnera une fille, Aube. La dernière épouse sera Elisa Bindhoff de 1945 à 1966.

Il décèdera à l’hôpital Lariboisière de Paris en 1966 des suites d’une insuffisance respiratoire. Il est enterré au cimetière des Batignoles. Sur sa tombe il est gravé l’épitaphe suivante  » je cherche l’or du temps « .

C’est son épouse Elisa et sa fille Aube qui ont autorisé, à l’Hôtel Drouot une vente de livres, d’objets, tableaux, photos, pièces d’art primitif, objets divers qui se trouvaient dans l’appartement de Breton.

A la mort d’André Breton en 1966, ceux qui étaient très proches de lui vont tenter de continuer le mouvement. Cela ne va pas durer longtemps car il cessera définitivement en 1969. Une fin qui sera annoncée dans un article, sous forme de lettre, appelé Le quatrième chant, écrit par Jean Schuster, publié dans Le Monde. Des voix surréalistes s’élèveront dans le monde pour dire, malgré tout, que tout n’est pas fini, et que la démarche artistique surréaliste continuera au travers de leur travail.

 » Même quand il fallait lutter contre l’oubli et le conformisme, il ne s’avouait jamais vaincu. Il créa des revues, de plus en plus souvent. Il est vrai qu’on employait, à tort et à travers, ce qualificatif  » surréaliste  » pour désigner n’importe quoi, tout ce qui était, aux yeux des journalistes, plus ou moins insolite. Pourtant on commençait à lui rendre justice et à mesurer la porter de son influence. Ce qui me surprenait et provoquait mon admiration, c’est qu’il voulait, envers et contre tous, rester fidèle à lui-même. » Philippe SOUPAULT à la mort de André BRETON