»Je pense qu’elle et moi avons une vision différente de cette musique, et peut-être avez-vous raison de trouver son jeu » rigide » et la superposition des strates polyphoniques » artificielle » . Mais, dans les années quarante, pendant mon adolescence, elle a été la première à jouer Bach d’une manière qui me paraissait raisonnable. A l’époque, à quatorze , quinze, seize ans, je menais un combat sur la manière dont on doit jouer Bach, sans espérer voir jamais mon professeur Alberto Guerrero brandir le drapeau de la reddition. Les disques de Rosalyn Tureck m’on montré que je n’étais pas le seul sur ce front. C’était un jeu tellement intègre pour user d’un terme ressortant au domaine moral. Il s’en dégageait un tel sentiment de quiétude, cela n’avait rien d’une langueur mais plutôt d’une droiture morale au sens religieux. » Glenn GOULD parlant de Rosalyn TURECK
Glenn Gould a eu une façon, bien à lui, de voir, comprendre et aborder Bach, qui ne ressemble à personne : génial, inventif, intense, rythmiquement jubilatoire, virtuose, pertinent, flamboyant, réunissant, comme beaucoup l’ont affirmé avec exactitude, le cœur et l’esprit.
Bien des années avant lui, Rosalyn Tureck a fait preuve, elle aussi, de rigueur, émotion, ampleur, précision rythmique, expressivité, d’un grand sens des nuances, d’un toucher magnétique dans ses interprétations du Cantor. Elle était la grande prêtresse de Bach. Gould l’a beaucoup appréciée et elle l’a influencé.
Avec un zeste d’amertume et un peu de déception au fond du cœur devant les louanges que l’on ne manquait pas de faire au jeune et brillant Gould, elle répondait : » qu’il lui avait beaucoup emprunté mais qu’il n’avait pas assez pénétré son art pour mieux le comprendre … » Quoi qu’il en soit, tous deux ont été très inspirés face à cette musique et les écouter est un réel bonheur.
Les Variations Goldberg sont parues en 1741 sous l’intitulé Exercices pour clavier consistant en une aria avec différentes variations pour clavecin accompagnés de deux manuels. C’est, incontestablement, un des sommets de la production de Bach.
L’histoire raconte qu’elles furent composées pour un comte, ancien ambassadeur de Russie à la Cour de Saxe . Il était toujours accompagné de son protégé, le claveciniste Johann Gottlieb Goldberg. Sa présence, à ses côtés, était quelque peu thérapeutique. En effet, le comte souffrait de maux divers très difficiles à supporter et qui l’empêchaient de dormir. Pour le calmer, il faisait appel, à n’importe quel moment du jour et de la nuit, à ce musicien qui dormait dans une chambre tout à côté de la sienne.
Pour le remercier, il demanda à Bach une partition pour l’offrir à son claveciniste. Quelque chose d’assez serein et heureux qu’il aurait, lui-même, beaucoup de plaisir à entendre. Le compositeur va parfaitement réussir et son travail sera vivement apprécier. Le comte affirmera ne jamais se lasser de l’écouter et pouvoir le faire sans cesse !
On peut le comprendre car c’est une page exceptionnelle, exigeante, contra-puntiquement dense, à la fois complexe, rigoureuse, impressionnante dans la richesse de ses idées, expressive, sensible, audacieuse, virtuose, poétique, et tout aussi incroyable que l’on été celui qui l’a écrite. Par ailleurs, elle ne manque pas d’un soupçon de légèreté et d’humour notamment dans la reprise de mélodies allemandes très connues, ce qui la rend assez irrésistible.
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