
Si vos vacances estivales vous amènent sur la Côte d’Azur, le Musée des Beaux Arts Jules Chéret de Nice vous propose de continuer l’hommage anniversaire-régional des 150 ans de la naissance de l’impressionnisme, au travers d’une belle, émouvante, délicate et poétique exposition consacrée à une peintre magnifique de ce mouvement, pastelliste, aquarelliste : Berthe Morisot.

Berthe est née en 1841 à Bourges au sein d’une famille assez fortunée. Formée par Camille Corot, elle a été, très jeune, entourée d’artistes , notamment en raison des nombreuses soirées organisées par sa mère. Elle est devenue, par la suite, non seulement un des modèles favoris d’Edouard Manet qu’elle admire, et dont le travail va fortement l’inspirer, mais sa belle-sœur, également, en épousant son frère, Eugène Manet. Elle sera la seule femme parmi le groupe de tête qui organisera l’expo impressionniste de 1874.
C’est vrai que, comparativement à ses collègues masculins, elle est restée longtemps un peu en retrait, tout simplement parce qu’être une artiste femme à l’époque et surtout être reconnue en tant que telle, eh bien ce n’était pas facile, voire même impossible. Ou alors il fallait s’en tenir à des sujets basiques, domestiques, propres à une peinture féminine, ce qui n’amenait pas les historiens, les critiques ou le public de s’y intéresser vraiment. Il y a aussi le fait qu’aux yeux de beaucoup, elle restait surtout le modèle de Manet.
Elle a essuyé beaucoup de critiques qui auraient pu la dissuader de ne pas continuer dans cette voie, mais elle n’en a pas tenu compte. Elle est la seule, avec Camille Pissarro, à avoir participer à toutes les expositions impressionnistes (sauf en 1879 pour la naissance de sa fille) , et ce jusqu’à ce que ce mouvement se termine en 1886.
« Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un homme traitant une femme d’égale à égale et c’est tout ce que j’aurais demandé, car je sais que je le vaux. » B.M.
Un jour, son grand talent, ses toiles lumineuses, et sa touche élégante seront reconnus et amèneront même certains à dire que son art s’approchait de celui des peintres du XVIIIe siècle comme François Boucher par exemple. Cette femme de caractère a peint jusqu’à la fin de sa vie. Elle restera une artiste accomplie comme ceux, masculins, qui furent ses amis.
Une exposition qui a été réalisée d’une part dans le cadre des prêts par le Musée d’Orsay à différents autres institutions muséales française, et d’autre part en partenariat avec le Palazzo Ducale de Gênes (Italie) et avec le soutien de la famille de l’artiste. Elle s’intitule Berthe MORISOT / Escales impressionnistes – et se déroulera jusqu’au 29 septembre 2024 . après quoi elle se poursuivra à Gênes.
Le musée d’Orsay n’est pas le seul à avoir prêter des tableaux, carnets de croquis, dessins, documents de la presse locale, correspondances, se référant au thème choisi ( une soixantaine environ) – On note également : le musée Marmottan -Monet, le Palais Princier de Monaco, le Nelson Atkins Museum de Kansas City, le musée national de Stockholm, le musée des Beaux-Arts de Lyon , Musée des Beaux- Arts de Grasse etc … ainsi que des prêts de collections privées.
C’est une idée fort intéressante d’avoir centrer cette expo sur une période que l’on ne connait pas vraiment pour cette artiste, à savoir celle des séjours qu’elle a passés à Nice avec sa fille Julie et son époux , durant les hivers 1881/1882 puis 1888/89. Elle l’est d’autant plus que les œuvres peintes dans cette ville sont peu nombreuses et qu’elles ont été, malheureusement, dispersées un peu partout dans le monde.
» Un problème important, c’est que les toiles de Morisot se soient trouvées quasiment toutes dans des collections privées. Au XXe siècle, dans le contexte très masculiniste du triomphe de l’abstraction, cela a causé des malentendus. N’ayant pas les toiles sous les yeux, les critiques ont mal interprété les textes du XIXe et résumé l’œuvre de Morisot à une mièvrerie triviale, consacrée au quotidien des femmes » Anne HIGONNET (Historienne de l’art)



Ces tableaux peints , en plein air, sont d’importance parce qu’elles sont très novatrices pour son temps en ce qui concerne la composition et le style, voire même quasi abstraites pour certaines, ce qui amène à dire que sa vision artistique progressait considérablement.
C’est une région qu’elle a beaucoup aimé et qui a été un lieu très prisé notamment l’hiver en raison de son doux climat et de son soleil, par les artistes , mais aussi par des familles aisées qui se faisaient construire des villas luxueuses sur les collines de la ville. Ces dernières investissaient et faisaient venir chez eux de très nombreux artistes français ou étrangers, ce qui amènera Nice à devenir un centre important de foisonnement artistique à l’époque.
A Nice, la petite famille a séjourné d’abord à l’hôtel d’Angleterre , puis à l’hôtel Richemont, avant de s’installer dans une maison que la peintre a loué (qui existe toujours et que l’on peut visiter d’ailleurs ) : La Villa Ratti. Berthe a réalisé de nombreux croquis sur des carnets, lesquels dessins seront finalisés en tableaux lors de son retour dans son atelier à Paris, ainsi que des toiles diverses variées sur les paysages lumineux et éclatants qui s’offraient à elle, le port, la plage et le carnaval de Nice, les arbres fruitiers (orangers notamment) , mais des portraits de personnes rencontrées au cours de ses promenades, mais aussi de sa fille seule ou avec elle.
» A l’intérieur de la maison, l’âme de Berthe erre d’une pièce à l’autre, dans cette belle maison de l’avenue Ratti. Elle a tant aimé ce lieu, cette maison et son jardin, la lumière particulière de cette région. Le salon est comme autrefois . Le chevalet de Berthe est là..Sous son pinceau apparaissent un jardin, des orangers, des fruits éclatants. Elle sait rendre le contraste des tons de crépi rose avec le vert des arbres fruitiers et le bleu du ciel. … On se souvient quand elle descendait sur le port : la mer la fascine, toujours changeante, le soleil qui miroite, le clapotis des vagues. Dans ses toiles, tout est calme, sérénité, tout sourit et tout enchante dira Roger Marx. Chez elle, les harmonies des couleurs sont plus douces, la lumière jamais brutale. » Extraits d’une nouvelle écrite par Joselyne MAS, sorte d’hommage à la peintre.

Elle va porter son attention sur le port de Nice, mais aussi la villa Armulfy sur les hauteurs de la ville, un endroit connu pour ses magnifiques orangers. Toutes les images qui s’offrent à elle vont lui permettre d’ajouter d’autres couleurs à sa palette, d’aborder d’autres effets de mouvements . Son désir sera alors de capter la lumière, de saisir un instant particulier, un instant simple de la vie.





C’est à Nice, également, durant ses séjours, qu’elle va initier Julie à la peinture. Une période de bonheur pour cette petite fille, des instants précieux partagés entre son père et sa mère. En 1895, elle se retrouvera orpheline de ses deux parents, et, attachée à ses souvenirs touchants, elle reviendra en 1899 dans cette région, à Nice bien sur, mais aussi à Cagnes-sur-mer où elle rendra visite à Renoir, tout en poursuivant son travail pictural.
Julie a beaucoup aimé la peinture elle aussi, sans pour autant rechercher la gloire. Toutefois, elle ne va pas souhaiter être une artiste de plus dans la famille Manet. Elle s’imposera comme la personne qui veillera surtout sur l’œuvre de sa maman. Ce qui ne l’empêchera pas de peindre de temps en temps avec plaisir.
Les descendants de la famille Manet continueront à passer régulièrement des vacances sur la Côte d’Azur, voire même pour certains, s’y installer de manière définitive.


Berthe Morisot est morte en 1895, laissant derrière elle de nombreux tableaux (423), des pastels (191), des aquarelles ( 240), des gravures (8) , des dessins (plus de 200), ainsi que 2 sculptures.
Toutefois, il est à noter qu’elle n’est pas la seule à faire partie de l’expo du Musée Chéret. En effet, on peut admirer des tableaux superbes de peintres féminines ayant vécu à la même époque, à savoir Mary Cassatt, Eva Gonzalès, Marie Barhkirtseff et Louise Breslau, ainsi que l’intégration d’une toile que Claude Monet avait offert à Berthe à savoir Les villas à Bordighera / 1884 et qui était accroché dans son hôtel particulier à Paris.
La commissaire de l’expo, Johanne Lindskog, a expliqué que si ces autres femmes peintres, contemporaines de Berthe Morisot, ont été mises à l’honneur, c’est parce qu’elles ( et d’autres ) produisaient, exposaient et vendaient des tableaux à Nice. Morisot a donc été finalement une porte d’entrée pour révéler tout un pan de l’histoire de l’art niçoise qui est encore une fois largement nationale et internationale. »




Le Musée des Beaux-Arts Jules Chéret se trouve dans un magnifique écrin de verdure. C’est une ancienne villa qui a appartenu, autrefois, à l’épouse ukrainienne d’un conseiller du tsar Alexandre II, la princesse Elisabeth Kotschoubey. Elle revendra ce bien, par la suite, à un riche américain, James Thomson qui l’a fait entièrement rénové. La ville de Nice l’a racheté en 1925 pour en faire son musée des Beaux-Arts. Ce dernier a été inauguré en 1928 et il a été classé monument historique. Il porte le nom d’un peintre, lithographe et affichiste français né à Nice : Jules CHÉRET






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